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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/154

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les malentendus produits par la différence de langage, apporter dans cette formalité des façons plus rudes, un ton plus impérieux, que ne le comportent nos mœurs, et faire naître des conflits dangereux. La présence d’un détachement envoyé par un bâtiment de guerre sur un navire marchand, l’appareil dominateur avec lequel les visites s’effectuent, sont, en quelque sorte, une occupation armée de ce navire.

Un des principaux inconvéniens des instructions du 29 mai, c’est qu’elles ne prescrivent aucune règle relativement à la manière dont les navires marchands seront abordés et relativement au déploiement de force avec lequel la visite s’effectuera. C’était bien le moins, il me semble, de prescrire en cette matière, et pour un droit de visite qui doit être exercé en temps de paix, l’ensemble des précautions que la France et les États-Unis d’Amérique sont convenus d’appliquer, par le fameux traité de 1778, au droit de visite exercé en temps de guerre ; on peut voir, dans l’article 7 de ce traité, qu’il est prescrit aux bâtimens de guerre et aux armateurs, afin d’éviter tout désordre, de se tenir hors de la portée du canon, d’envoyer une chaloupe à bord du navire marchand, et d’y faire entrer deux ou trois hommes seulement.

Le second degré d’investigation, l’examen des papiers, est une opération plus grave encore. Parmi les papiers de bord d’un navire, il en est dont la communication faite à tous les bâtimens de guerre que l’on peut rencontrer est un véritable inconvénient pour le commerce. Les connaissemens des navires et les instructions données par les armateurs à leurs capitaines sont de ce nombre. Il est à remarquer, en outre, que dans la pratique on ne se borne même pas à l’examen des papiers de bord proprement dits ; les croiseurs anglais sont dans l’usage d’examiner également les lettres particulières et les écrits qu’ils peuvent trouver ; il leur est même prescrit d’en agir ainsi par les instructions de l’amirauté, à qui ils doivent, en certains cas, rendre compte de tous les documens, lettres et écrits (documents, letters and writings) qu’ils ont eu occasion de vérifier.

En 1778, la France et les États-Unis ayant senti les inconvéniens qu’entraîne l’examen des papiers d’un navire, quand on ne prescrit aucune limite à cet examen, convinrent (et il s’agissait alors du droit de visite en temps de guerre) de borner la vérification de la nationalité des navires sous pavillon neutre à la simple présentation d’un passeport dont la formule était annexée au traité même. La convention récente n’offre à notre commerce aucune garantie semblable ; il semble, au contraire, qu’on ait pris soin de ne prescrire en cela aucune limite.