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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/155

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En ce qui touche la visite de la cargaison des navires, on est tenté, au premier abord, de se figurer que la convention du 29 mai offre de grands avantages au commerce français. Il importe d’examiner ce point de très près.

J’ai déjà eu occasion de faire remarquer que les instructions annexées à la convention du 29 mai n’interdisent pas la visite de la cargaison ; elles autorisent au contraire les croiseurs anglais à constater la nationalité des navires français par tous les moyens, tous les genres de preuves qui peuvent concourir à la constater. Or, l’examen de la cargaison d’un navire est le moyen le plus sûr de vérifier la réalité des papiers de bord. Comme les instructions annoncent que ces papiers sont souvent contrefaits, il est certain que les croiseurs anglais visiteront la cargaison de nos navires marchands toutes les fois qu’après examen fait des papiers, la nationalité française ne paraîtra pas suffisamment constatée. Il est à craindre que cela n’arrive souvent, soit parce que les papiers seront irréguliers, à raison de quelque accident ou de quelques négligences, soit parce que, les papiers étant réguliers, on les croira contrefaits, soit enfin à raison des erreurs ou des abus commis par les officiers qui procéderont à la visite.

Sous l’empire des conventions de 1831 et 1833, lorsqu’il s’agissait seulement de découvrir si les navires suspects étaient engagés dans le commerce illicite de la traite, il n’y avait pas de raisons pour que la visite intérieure des bâtimens français fût plus fréquente qu’aujourd’hui. La nationalité française une fois constatée, la visite de la cargaison devenait inutile et abusive, car il était à la connaissance de tous les officiers étrangers que les navires réellement français ne font plus la traite. Depuis 1831 jusqu’à ce jour, on ne cite que deux navires français, le Marabout et la Sénégambie, arrêtés sur le soupçon d’être engagés dans le trafic des noirs. Quant au Marabout, il a été prouvé qu’il ne faisait pas la traite, et la cour royale de Cayenne a déclaré son arrestation illégale. En ce qui touche la Sénégambie, elle a été saisie sur le territoire anglais en vertu des lois anglaises : il a été également prouvé que ce n’était pas un navire négrier ; c’était un navire commissionné par le gouverneur d’un de nos établissemens sur la côte d’Afrique, et frété par lui pour le transport de quelques nègres destinés au recrutement des troupes noires que nous entretenons dans nos colonies d’Amérique.

Il est évident que, sous le précédent régime, la visite de la cargaison ne devait être opérée que dans le cas où l’examen des papiers de bord d’un navire n’établissait pas d’une manière satisfaisante la qualité