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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/161

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alors sur la fixation du chiffre de cette indemnité. J’ignore si, au moment où je parle, la réparation est faite ; tout ce que je puis dire, c’est que le 31 décembre 1844, c’est-à-dire plus de quatre ans après la saisie de ce navire, le chiffre de l’indemnité n’était pas encore fixé. J’ajouterai que pour le Tigris, arrêté le même jour que le Seamew, et pour lequel le principe de l’indemnité a été également reconnu par le gouvernement anglais, le chiffre de cette indemnité n’avait pas été fixé non plus le 31 décembre 1844, et qu’enfin pour le Jones, saisi le 10 septembre 1840, le point de savoir si une indemnité est due en principe aux propriétaires de ce navire n’était pas encore réglé à la même époque.

Si, depuis 1831, la marine marchande de France, visitée sous le prétexte de répression de la traite, a eu beaucoup moins à souffrir que la marine marchande de l’Amérique, visitée sous prétexte de vérifier le pavillon, ce ne doit pas être un sujet d’étonnement. Il est plus épineux qu’on ne le croit généralement d’établir le caractère national d’un bâtiment saisi en pleine mer. La pratique anglaise, en cette matière, est pleine de subtilités et de rigueurs. Afin de prévenir les conséquences de la facilité avec laquelle certains états neutres délivrent des papiers de bord aux navires marchands des puissances belligérantes, les cours d’amirauté de la Grande-Bretagne ont consacré par leurs arrêts successifs une jurisprudence extrêmement menaçante pour les autres états maritimes. Cette jurisprudence est une arme de guerre, dont il est imprudent de légitimer l’usage en temps de paix.

Je vais exposer, pour me faire bien comprendre, quelques-uns des principes consacrés en cette matière par la haute cour d’amirauté de la Grande-Bretagne.

Il a été décidé en plusieurs cas, et notamment le 28 janvier 1812, dans l’affaire du navire le Success, saisi le 7 janvier 1807, que la nationalité d’un navire pouvait être fixée arbitrairement, soit à raison de son caractère apparent, c’est-à-dire conformément à ses papiers de bord, soit à raison de son caractère réel, que les Anglais font consister dans la propriété du navire.

La haute cour d’amirauté a encore jugé que, lorsqu’un navire appartient à plusieurs propriétaires, et que ces propriétaires sont de diverses nations, on est libre de considérer ce navire comme appartenant en totalité à l’une quelconque de ces nations, de telle sorte que, si l’un des co-propriétaires du navire appartient à une nation ennemie, le navire est de bonne prise. Ceci montre toute la gravité de l’innovation