Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Océan germanique, et forme, avec ses environs et son vieux château en ruines, une petite péninsule, dont l’armée de Cromwell occupe la base. En face, dans la baie, il a ses vaisseaux ; derrière lui, les ravins de Lammermoor sont occupés par Lesley, général de l’armée écossaise, qui lui coupe la retraite. Le vent souffle, la pluie tombe, ses soldats sont fatigués ; il n’a que douze mille hommes exténués ; Lesley en a vingt-trois mille de troupes fraîches. Il trouve moyen de faire parvenir la lettre suivante au puritain Hazlerig :


A sir Arthur Hazlerig, gouverneur de Newcastel, cette lettre.

« Dunbar, 2 septembre 1650.

« MONSIEUR,

« Nous sommes dans une position très difficile. L’ennemi nous a bouché le passage au défilé de Copperspath, et nous ne pouvons le traverser sans presque un miracle. Il est tellement maître des hauteurs, que nous ne savons pas comment passer par là sans la plus grande difficulté, et le temps que nous restons ici détruit nos hommes, qui tombent malades au-delà de l’imagination.

« Je vois que vos forces ne sont plus à présent en état de nous délivrer. En conséquence, quoi qu’il nous arrive, vous ferez bien de concentrer autant de forces que vous en pourrez réunir, et le sud y contribuera autant qu’il le pourra. Cette affaire concerne presque tous les hommes de bien. Si vos forces avaient été prêtes pour tomber sur les derrières de Copperspath, cela aurait pu nous faire arriver des secours ; mais Dieu, qui seul est sage, sait ce qui est pour le mieux. Nous travaillerons tous pour le bien. Nos courages ne sont pas abattus, Dieu soit loué, — quoique notre présente condition soit ce qu’elle est. Et, véritablement, nous avons grand espoir dans le Seigneur, dont nous avons éprouvé depuis long-temps la miséricorde.

« Rassemblez effectivement contre eux autant de forces que vous le pourrez. Envoyez à nos amis du sud pour qu’ils fournissent du renfort. Montrez. à H. Vane ce que je vous écris. Je ne voudrais pas que cela fût public, de peur d’augmenter le danger. Vous savez l’usage qu’il en faut faire. Donnez-moi de vos nouvelles.

« Je suis votre serviteur,

« OLIVIER CROMWELL. »


Cette brièveté sévère annonce et la gravité du péril et l’énergie de l’homme. Le 2 septembre 1650, vers quatre heures, il voit les troupes de Lesley se mouvoir peu à peu, et s’échelonner en descendant vers le fond de la ravine qui sépare le promontoire de Lammermoor. Il comprend qu’il s’agit pour lui, ou d’être anéanti avec son armée, ou de vaincre ; empruntant d’avance à Napoléon sa manœuvre