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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/722

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incroyable de ces natures d’élite qui, en se dévouant à la chose publique, ne comptent pour rien les sacrifices de temps et d’argent.

L’agitation populaire, même dans un pays tel que la Grande-Bretagne, où elle sert de complément et d’auxiliaire, aux pouvoirs établis, n’est en général qu’une fièvre passagère de la société, qu’un vigoureux coup de collier donné, au moment opportun, en faveur d’un intérêt ou d’une idée. La ligue seule a imaginé d’en faire un moyen de gouvernement. Dès le début, la ligue a formé une sorte d’état dans l’état. Depuis près de huit ans que le conseil de la ligue, ce parlement de la réforme commerciale, siège à Manchester, il n’a pas cessé de rendre des décrets, que son président promulgue, que son journal et ses pamphlets expliquent au peuple, et que ses missionnaires vont ensuite faire exécuter dans les villes ainsi que dans les comtés.

Cette courte, mais brillante histoire a trois époques bien distinctes la période contemplative, celle qui, comprend les études, les tâtonnemens et l’enseignement par la presse et par la parole la période active ou de propagande, qui s’étend de 1843 à 1845 ; enfin la période politique ou d’influence, celle où la ligue, faisant et défaisant les majorités électorales, effraie l’aristocratie et amène les chefs de parti à capituler. A chacune de ces époques, l’enthousiasme va croissant, et avec l’enthousiasme les sacrifices. Le budget de la ligue grossit d’année en année : en 1839, 6,000 liv. sterl. ; en 1840 et 41, 8,000 liv. sterl. ; en 1842, 10,000 liv. sterl. ; en 1843, 50,000 liv. sterl. ; en 1844, plus de 100,000 liv. sterl. ; enfin, en 1845, 250,000 liv. sterl. Je ne compte pas dans ces contributions volontaires les 5 ou 600,000 liv. sterl. qui ont été dépensées par les cliens de la ligue, en 1844 et en 4845, à acquérir les propriétés qui leur confèrent les droits électoraux.

Le conseil exécutif de la ligue se partage en comités, de même qu’un gouvernement distribue les matières d’état entre divers ministères. Il comprend le comité d’agriculture, le comité de commerce, le comité de publication, le comité électoral, et jusqu’à un comité religieux. On aura une idée de l’étendue des relations que le conseil entretient, quand on saura que, dans une contrée où le port d’une lettre ne coûte que 10 centimes, il dépense en moyenne, pour ce seul article, 5 à 600 francs par jour. Plus de cent comités locaux, dans la Grande-Bretagne, correspondent avec le comité central de Manchester.

Les publications qui émanent de la ligue sont innombrables. Outre un journal hebdomadaire, qui, après avoir paru d’abord sous le titre dAnti-corn law circular, et plus tard sous celui dAnti-bread-tax circular, prit, en 1843, en agrandissant son cadre et son format, le