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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/721

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primitive, dont parle Adam Smith, quand il avance, moins en économiste qu’en historien, que « les propriétaires fonciers et les fermiers, à leur éternel honneur, sont de toutes les classes de la société la moins entachée de l’esprit de monopole. » L’aristocratie désormais ne peut plus gouverner qu’en vertu de la capacité, et dominer que par la grandeur morale. L’industrie lui dispute ses cliens, et le commerce l’égale en richesse. Si donc l’aristocratie ne change pas de caractère, le pouvoir changera de mains.

La ligue a grandi en peu de temps, elle a grandi avec les obstacles qu’elle rencontrait ; mais aucune association n’a eu des commencemens plus humbles. Trois hommes, je l’ai dit ailleurs[1], lui servirent de parrains à sa naissance : un membre de la chambre des communes, le docteur Bowring ; le rédacteur du Manchester Times, M. Prentice, et un membre de la chambre du commerce, M. J.-B. Smith. Sous ce patronage assurément plus éclairé que notable, un économiste amateur, M. Paulton, allait de ville en ville, prêchant contre les lois qui restreignent l’importation des grains étrangers. S’étant d’abord fait entendre à Manchester, il échauffa bientôt de sa parole les manufacturiers de Birmingham, de Wolverhampton, de Coventry, de Derby, de Leicester et du Nottingham ; mais la première démonstration un peu sérieuse fut la pétition votée, à la fin de 1838, par la chambre de commerce de Manchester, pétition que l’on met aujourd’hui, en matière de liberté commerciale, sur la même ligne que la fameuse déclaration des droits. Il y était dit que, « sans l’abolition immédiate des lois rendues pour empêcher l’introduction des grains, la ruine des manufactures devenait inévitable, et que l’application, sur une plus grande échelle, du principe de la liberté commerciale pouvait seule assurer la prospérité de l’industrie et le repos du pays. »

Par cette démarche, qui eut un grand retentissement, la chambre de commerce de Manchester se rendait l’organe de l’industrie britannique. En cela, comme en toutes choses, depuis le règne de la vapeur, Manchester prenait l’initiative. Après avoir donné à l’Angleterre la manufacture de coton dans la personne d’Arkrwight, et le gouvernement modérateur dans la personne de sir Robert Peel, l’inépuisable fécondité du Lancashire allait encore se signaler dans les instrumens de l’agitation libérale, en produisant un administrateur comme M. Wilson, des orateurs tels que M. Cobden et M. Bright, et un nombre

  1. Études sur l’Angleterre, t. II.