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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/752

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prédire sur son prochain avènement au théâtre ; mais pour M. Balfe, en vérité, on ne saurait montrer trop d’empressement, et peu s’en faut que nous n’en ayons fait un personnage. L’autre jour, les gazettes de Vienne, annonçant que le maestro lauréat allait écrire un opéra pour Kaertnerthor, se réjouissaient de cette bonne fortune, ni plus ni moins que s’il se fût agi d’une partition de l’auteur de Nabucco.

À propos de Verdi, il se peut que nous l’ayons bientôt à Paris, qu’il doit traverser en se rendant à Londres, où l’appellent ses engagemens. La composition à laquelle Verdi travaille en ce moment est destinée au Queen’s Theater, et doit s’y produire vers le milieu de la saison prochaine sous le titre du Roi Lear. King Lear ! voilà certes un admirable sujet et qui devait finir par tenter l’imagination puissante du jeune maître. L’auteur de Nabucco aux prises avec la légende romantique de Shakspeare, ce sera là, j’imagine, un beau spectacle, surtout si Lablache se met de la partie et consent à représenter le vieux père de Cordelia. Ne vous est-il jamais arrivé, en entendant au Conservatoire quelqu’une de ces magnifiques symphonies qui vous ouvrent des mondes, la symphonie héroïque par exemple, ou la symphonie en la ou celle en ut mineur, peu importe, ne vous est-il jamais arrivé de rêver pour un moment l’alliance sublime du génie de Beethoven au génie de Shakspeare ? et, puisque nous parlons du Roi Lear, dites à quel grandiose, à quels effets magnifiques ne se serait pas élevé, dans un pareil sujet, cet homme qui sut être héroïque avec cette bourgeoise intrigue de Fidelio !

Il est à souhaiter que la présence de Verdi à Paris inspire à M. Léon Pillet l’idée de le faire écrire pour l’Académie royale de musique. Cela vaudrait mieux, à coup sûr, que d’aller remuer la poussière du théâtre de la Renaissance, pour en exhumer cette triste traduction de la Lucia, dont on nous menace de nouveau. Ce serait avoir, il faut en convenir, une bien singulière opinion de la bonhomie du public, que de s’imaginer qu’il viendra entendre M. Duprez et Mlle Nau dans un opéra du répertoire italien, dans cette Lucia que chantait hier Moriani, que M. de Candia et la Persiani chanteront demain. Aussi hésitons-nous à prendre au sérieux l’équipée. Il est vrai que M. le directeur de l’Académie royale de musique voyage, ce qui, du reste, expliquerait suffisamment la mise en scène d’une chose aussi sans conséquence que la traduction d’un opéra italien. Mais cette absence doit-elle long-temps se prolonger ? Là est la question. Des bruits mystérieux circulent. Quelle route a prise M. Pillet ? la route de Cologne, comme l’an passé ? la route de l’Italie, comme il y a deux ans ? Qui donc va-t-il chercher ? qui ramènera-t-il ? un ténor, une prima donna, un maestro ? L’émotion est grande rue Lepelletier, et l’on se perd en conjectures. Cependant, s’il fallait en croire quelques-uns qui se prétendent informés, cette nouvelle expédition de M. le directeur se rattacherait aux dernières communications qu’il a eues avec M. Meyerbeer. Comme on le suppose, durant ces rapides momens qu’il a passés parmi nous, l’illustre maître n’a pas manqué d’être circonvenu de tous côtés. C’était à qui