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mélodies nasales, » comme dit Butler, jusqu’à ce que l’autorité suspende la marche triomphale des quakers, et les envoie à Londres, où le parlement doit les examiner et les juger.

Ce sont des symptômes menaçans. Il n’y a rien de plus dangereux pour une autorité que les révoltes qui émanent du principe même qui la constitue. Ici le calvinisme mystique, ennemi de Rome, se révolte contre l’autorité de Cromwell. Fox, malgré sa paisible humeur, fut arrêté dans le Leicestershire, mis en prison, traîné de geôle en geôle par les officiers subalternes de la police, et forcé de coucher souvent, ou dans une cave, ou à la belle étoile, « ce qui lui rendait très utile (il en convient dans son journal) la culotte de peau qui l’escorta toute sa vie, et qu’il avait cousue d’après un ordre exprès de Dieu même. »

Au milieu de ces persécutions, il trouva moyen d’écrire au protecteur et de lui demander un rendez-vous. Cromwell l’accorda. C’était le matin ; on habillait le protecteur, lorsque le quaker faisant son entrée : « La paix soit dans cette maison ! » s’écria-t-il. — « Merci, George, » répondit doucement Cromwell ! — « Je viens t’exhorter, reprit George, à rester dans la crainte de Dieu ; ce qui pourra t’acquérir la sagesse de Dieu, chose si nécessaire à ceux qui gouvernent. — Amen ! » - « Il m’écouta très bien, continue Fox[1] ; je lui parlai longuement et sans crainte de Dieu et de ses apôtres d’autrefois, de ses prêtres et de ses ministres d’aujourd’hui, de la vie et de la mort, de l’univers sans limites, du rayon et de la lumière, et souvent le protecteur m’interrompait pour me dire : C’est très bien, c’est vrai, et il se comporta envers moi avec beaucoup de douceur et de modération. » - Comment Cromwell n’aurait-il pas de la sympathie pour George Fox, qui est exactement dans la même situation mentale on se trouvait le fermier de Saint-Yves en proie à ses vapeurs noires ? Ces pensées mystiques rouvraient en lui les sources des émotions de sa jeunesse. « Son œil devint humide, et comme plusieurs personnes, de celles qui se disaient nobles et seigneurs, entraient dans la chambre, il me prit la main : « Reviens me voir, me dit-il ; va, toi et moi, si nous passons une heure ensemble, nous nous rapprocherons fort. Je ne te souhaite pas plus de mal que je n’en veux à mon ame. » - « Prête donc l’oreille à Dieu, » lui dis-je en m’en allant. — « Le capitaine Drury me pria de rester et de dîner avec les gardes-du-corps d’Olivier. Je refusai, Dieu ne me le permettant pas. » - C’est ainsi, avec cette douceur si politique et ce mélange de pitié, de sympathie

  1. Fox’s Journal, 1636 ; Leeds, I, 265.