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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/981

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de Cambrai, aux jansénistes, dont il demande la destruction, seul moyen, avec une prompte paix, « de mettre le roi en repos pour long-temps. »

Je sais bien que ces énormités sont cachées sous les attrayantes nouveautés d’une défense de la France par un appel aux masses, d’une convocation régulière des états-généraux, d’élections libres et périodiques, enfin d’une intervention légale du pays dans les affaires du pays. Je sais pareillement que le gouvernement de Louis XIV était perdu d’abus, et que bon nombre des critiques de Fénelon sont méritées. Les erreurs de l’illustre prélat n’ôtent rien à la gloire de ces vues justes et hardies, encore que l’inquiétude et une sorte d’impatience de l’avenir y aient plus de part que la hardiesse calme et impartiale d’un esprit prévoyant ; on y sent encore le chimérique dans le manque d’à-propos. Sans doute, Louis XIV était cause d’une partie des maux qui accablaient la France ; mais lui seul avait le secret de les guérir, et ce secret, c’était la victoire. Je reconnais dans les plans de gouvernement de Fénelon, à l’époque des désastres de Malplaquet et de Gertruydenberg, la tradition du chimérique des idéologues de 1814. Ceux-là aussi ne proposaient-ils pas à Napoléon des plans de constitution pour repousser l’Europe qui préparait Waterloo ?


IV – ERREURS DE DIRECTION. – DIRECTION D'UN ROI

On sait quel a été, au XVIIe siècle, l’empire de ce qu’on y appelait la direction, c’est-à-dire des conseils du directeur spirituel. Fénelon fut l’un des directeurs les plus goûtés de son temps. Ses écrits de spiritualité ont été le pain de beaucoup d’ames parmi les personnages les plus choisis et les plus qualifiés de son temps. Dans ce petit gouvernement qui lui fut déféré sur tant de consciences, et qu’il exerça en maître si absolu, le chimérique domine encore. Vous le retrouvez dans ce désir d’une perfection impossible, et dans cette prodigieuse multiplicité de prescriptions qui n’enfantent que les vains efforts et les scrupules.

Le plus bel écrit de direction qui soit sorti de sa plume est l’Examen de conscience sur les devoirs de la royauté. C’est la royauté au tribunal du directeur spirituel, c’est Fénelon confessant le duc de Bourgogne devenu roi. Cet examen embrasse tous les actes quelconques et toutes les pensées possibles d’un roi. La paix, la guerre, les traités, l’administration, le pouvoir des ministres, le commerce, les bâtimens : c’est trop peu ; les transactions du roi avec ses sujets, les