Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/982

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acquisitions payées en rentes, les galériens, la paie des troupes, les enrôlemens, lesquels doivent se faire par un choix, dans chaque village, de tous les jeunes hommes libres dont l’absence ne nuirait en rien au labourage ni au commerce ; que sais-je ? mille autres points y sont touchés, où l’archevêque décide moins en confesseur parlant tout bas au tribunal de la pénitence qu’en premier ministre opinant à la table du conseil.

La politique de Télémaque et des Mémoires reparaît dans l’Examen. Dans Télémaque, Mentor veut qu’Idoménée se contente, pour toute distinction de costume, d’un habit de laine très fine, teinte en pourpre, avec une légère broderie d’or. Dans l’Examen, la broderie est de trop. « Si vous en avez, dit-il, les valets de chambre en porteront. » Et, s’étendant sur cet article de luxe, il se plaint comme d’un prodige qu’il y ait à Paris plus de carrosses à six chevaux qu’il n’y avait de mules cent ans en-deçà, et qu’au lieu d’une seule chambre avec plusieurs lits, comme au temps de saint Louis, on ne puisse plus se passer d’appartemens vastes et d’enfilades. Sur ce point, l’Examen exagère la simplicité recommandée dans le Télémaque ; car, si Mentor ne veut à Salente que de petites maisons sans ornemens, encore souffre-t-il qu’il y ait dans ces maisons « de petites chambres pour toutes les personnes libres. »

Voici d’autres nouveautés de l’Examen. « Si le roi, dit Fénelon, a des prétentions personnelles sur quelque succession dans les états voisins, il doit faire la guerre sur son épargne, et tout au plus avec les secours donnés par les peuples par pure affection. » Et il rappelle l’exemple de Charles VIII allant recueillir à ses frais la succession du duc d’Anjou. Étrange politique, étrange usage de l’histoire ! Comme si la véritable nouveauté n’eût pas été alors de décider que les princes ne peuvent pas avoir de guerres personnelles, et qu’il ne saurait y avoir d’héritages au dehors où la nation ne soit cohéritière avec le prince !

Parmi les moyens de gouvernement, Fénelon interdit l’espionnage ; à la bonne heure, je reconnais là le chrétien, l’évêque, qui ne veut pas qu’on se serve du vice, même pour les besoins de l’état. « Qu’on chasse donc et que l’on confonde, s’écrie-t-il, les rapporteurs de profession, ces pestes de cour ! » Mais il est tels secrets qu’il importe de savoir. Comment les pénétrer ? La même imagination qui rêvait tout à l’heure une armée formée de tous les jeunes gens qui sont inutiles à l’agriculture et au commerce invente une sorte d’espionnage licite, fait à contre-cœur et par pur dévouement « par d’honnêtes gens, dit-il,