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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1096

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qui croule partout, mais dans quelles circonstances, devant quelles éventualités, avec quelles précautions et quels égards, voilà ce qu’il est bon de rappeler.

Le monopole auquel le gouvernement hollandais a soumis le commerce de ses colonies des Indes ne pouvait se prolonger long-temps sans nuire à ceux m^mes qui croyaient en profiter. Dépouillée de la Belgique, la Hollande avait voulu s’enfermer en elle-même, et s’était presque retranchée du milieu de l’Europe, repoussant de ces marchés toute concurrence qui eût pu diminuer la valeur de ses produits coloniaux. Atteinte par les représailles du Zollverein, menacée par l’influence française, que le dernier traité belge et l’ouverture du chemin de fer du Nord ont rapprochée d’elle, voyant enfin les Anglais lui disputer chaque jour avec plus d’empressement la souveraineté commerciale de ses parages indiens, la Hollande a dû changer de conduite et demander du renfort ; elle a rompu les barrières dont elle s’était entourée ; elle a conclu avec la Belgique cet accord réfléchi dont toutes les dispositions sont assez bien calculées pour que les deux nations se fassent réciproquement les avantages qui leur conviennent le mieux, avantages commerciaux à la nation commerçante, avantages industriels au peuple de fabricans ; elle a stipulé qu’une mutuelle faveur accueillerait à la fois les produits belges à Java, et les produits de Java en Belgique ; elle s’est ainsi rattaché ses voisins, qui d’un moment à l’autre pouvaient passer à l’Allemagne ou à la France ; elle a formé un marché encore assez large pour qu’elle puisse s’y mouvoir. Enfin, toujours avec les mêmes principes, toujours sous les mêmes nécessités, on a baissé certains droits d’exportation à Java, et l’on a déclaré libres plusieurs ports de l’archipel : on a compris que c’était le meilleur moyen de faire contre-poids aux influences anglaises, et en même temps d’ailleurs on avait besoin d’assurer au commerce colonial des ressources en espèces, qui jusque-là lui manquaient trop. C’est avec cette prudence et cette opportunité que les réformes deviennent fécondes.

Les circonstances ont été pour beaucoup aussi dans l’abaissement des tarifs américains, et les mesures administratives qui ont accompagné cette réforme prouvent de reste qu’on a surtout favorisé l’importation, afin d’en retirer des fonds immédiatement disponibles. Malgré l’évidente supériorité de leurs ressources, les États-Unis ont fort à faire pour soutenir contre le Mexique une guerre qui traîne maintenant malgré eux : la caisse fédérale n’est pas riche, et les douanes lui constituent son revenu le plus clair ; il était donc naturel qu’on cherchât à l’augmenter. Voilà pourquoi l’on s’est en même temps prémuni contre un abus qui frappait de stérilité toute cette branche de produits. On a défendu de recevoir les billets des banques pour solde des droits qu’on maintenait encore à l’entrée des marchandises : on a décrété que ces droits seraient payés en espèces, que ces espèces ne seraient plus remises à la disposition des banquiers, mais confiées à des administrateurs spéciaux. Les objections ne devaient pas manquer en Amérique contre un système qui encaissait et amassait le numéraire ; tel est cependant l’empire de la situation, qu’elles n’ont point prévalu ; les banques particulières, qui s’étaient presque substituées à la grande banque des États-Unis renversée par Jakson, ont dû céder à leur tour devant les nécessités de gouvernement. Couvrant le pays de leur papier, étendant ou resserrant leur