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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1097

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circulation, elles tenaient tout l’argent entre leurs mains : aussitôt qu’il s’agissait d’affaires internationales, et qu’il fallait payer en écus, elles étaient maîtresses, et pouvaient dispenser de la guerre ou de la paix. On avait déjà senti ce danger lorsqu’on eut à craindre une rupture avec l’Angleterre ; on a profité des hostilités avec le Mexique pour y porter remède et s’affranchir. Tel est le but en vue duquel on vient de créer la sous-trésorerie.

Les esprits sont d’ailleurs en ce moment très fort tournés à la paix : cette ardeur que les premières alternatives de la lutte avaient d’abord excitée semble rapidement s’affaisser. Le gouvernement offre une paix qu’il peut honorablement proposer après ses avantages militaires, et dont les termes paraissent habilement conçus : au lieu de demander au Mexique une indemnité pécuniaire, on lui donnerait de l’argent dont il manque comme tous Les états américains, du sud, et on lui achèterait une province déjà toute prête à le quitter. Il est bien probable que d’une manière ou de l’autre le Mexique en viendra là. Les rodomontades de Santa-Anna ne prouvent pas qu’il agirait autrement que Paredes, et Paredes, qui a renversé le président Herrera sous prétexte qu’il avait traité avec les ennemis de la patrie, n’est occupe qu’à chercher des biais qui lui permettent un accommodement où sa personne ne semblerait pas trop risiblement engagée : c’est dans cette intention qu’il s’est porté sur la frontière en déléguant la présidence au général Bravo. Il est permis de croire que ces dispositions, connues des parties, faciliteront la médiation ne britannique. Lord Palmerston ne doit pas être fâché maintenant d’avoir un embarras de moins.




— LE GLAIVE RUNIQUE, drame tragique, par Charles-Auguste Nicander, traduit du suédois par Léouzon le Duc. — M. Léouzon le Duc poursuit le cours de ses publications hâtées : heureux de posséder des langues que bien peu de gens connaissent, et d’être chez nous un des premiers interprètes des littératures scandinaves, il se presse trop de faire part au public de ses découvertes, et compromet par là le succès des œuvres qu’il veut naturaliser en France. Il oublie que le rôle de traducteur et l’éditeur a aussi des conditions modestes, mais indispensables, et que la plus essentielle de toutes est la patience : on n’a pas composé un livre parce qu’on a fourni la matière d’un volume. Il est encore une autre qualité qui trouve partout son application, et dont M. Léouzon le Duc ne s’est pas assez soucié : c’est l’esprit de modération et de justice. Il place les intérêts de la religion fort au-dessus de ceux de la poésie : loin de nous l’idée de l’en blâmer ; mais encore les prédications doivent-elles s’adresser à des esprits préparés, et celles de M. Le Duc ne se recommandent ni par l’à propos ni par la mesure et signaler quelques traces de ce zèle indiscret, qui s’est donné plus librement carrière dans la traduction du Glaive runique. Le sujet de ce drame est la lutte du paganisme scandinave contre le christianisme ; M. Le Duc a placé en tête de son livre l’histoire des guerres qui, à cette occasion, ont ensanglanté la Suède ; il ne s’arrête pas au triomphe de la religion nouvelle : plus catholique encore