Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/704

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

REVUE PHILOSOPHIQUE.




TRAVAUX RECENS SUR ARISTOTE ET LEIBNITZ.




Parmi les publications récentes qui se rattachent au mouvement des idées philosophiques et religieuses, il en est deux que nous signalerons d’abord à l’attention des lecteurs sérieux : le Traité de l’Ame d’Aristote, traduit pour la première fois en français par M. Barthélémy Saint-Hilaire, et le Systema theologicum de Leibnitz dont M. l’abbé Lacroix nous donne le texte épuré, et M. Albert de Broglie une intelligente traduction. Aristote et Liebnitz, peut-on écrire ces deux noms glorieux pans songer à tous les traits de ressemblance qui rapprochent, à travers l’étendue des siècles, de la Théodicée ? tous deux ayant des égaux et même des supérieurs pour l’originalité et la force de l’esprit, mais sans rivaux pour l’étendue ; grands critiques en philosophie plutôt que grands inventeurs, mais critiques incomparables, sans illusion comme sans passion, portant librement le poids de toutes les connaissances humaines, n’ignorant rien, n’excluant rien, embrassant tous les points de vue, comprenant tous les systèmes, et contemplant les contradictions des hommes, les agitations des sociétés et la face entière des choses du haut d’une sérénité imperturbable. La destinée philosophique de ces deux grands hommes présente, comme leur génie, de curieuses analogies. Tous deux aspirent hautement au titre de chefs d’école, mais à chacun l’histoire reconnaît un maître : le Lycée n’est qu’un rameau détaché de l’arbre immense de l’Académie, et Leibnitz continue Descartes plus encore qu’il ne le combat. Venus à une époque de maturité, l’honneur de fonder la philosophie avait été dérobé par d’autres génies ; il leur restait celui de la réformer. C’est la tâche que chacun d’eux a accomplie, selon la différence des temps et des idées, avec une égale supériorité ; et, s’il est vrai que le philosophe de Stagyre ait été à la fois le disciple,