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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/747

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égyptienne, éleva le phare et la colonne d’Alexandrie. Le char immense et singulièrement orné qui apporta dans cette ville le corps d’Alexandre offrait lui-même, dans sa décoration extraordinaire, un caprice grandiose de l’architecture orientale ; Quelque soit le fait véritable qui ait servi de fond au récit merveilleux d’une statue d’Arsinoé soutenue par des aimans, il faut voir là quelque tentative bizarre à laquelle le désir du nouveau, du prodigieux, poussait la sculpture hellénique en présence des merveilles étranges de la sculpture indigène. Quant à la peinture, si les hiérogrammates égyptiens tracèrent sous les Ptolémées, à Alexandrie comme partout ailleurs, sur les murs des temples[1], des tableaux composés d’hiéroglyphes et de figures selon la tradition, ces images étaient trop semblables aux essais déjà anciens de la peinture grecque, alors si perfectionnée, pour qu’elle fût tentée de revenir à son point de départ par l’imitation d’un style analogue à celui de ses commencemens, qu’il avait peut-être inspirés. La peinture hiératique resta dans les temples ; mais les Ptolémées, qui continuaient sans doute à s’y faire représenter, comme dans toute l’Égypte, en adoration devant Ammon ou Osiris, s’entourèrent de peintres grecs. On ne voit pas que Ptolémée Soter ait eu des artistes égyptiens à sa cour ; cependant il y fit venir Apelles, que lui avait légué Alexandre. Ce fut pendant son séjour auprès du roi d’Égypte qu’Apelles se servit de son art pour dénoncer et punir ses calomniateurs. Ce fut à Alexandrie qu’il composa ce tableau allégorique de la Calomnie traînant sa victime aux pieds de l’Ignorance, et suivie par le Repentir, que Raphaël a restitué, d’après la description des anciens, dans un dessin qui est au Louvre.

Ptolémée Philadelphe, non moins ami de la peinture grecque, obtenait pour ses galeries, par un traité avec Aratus, plusieurs chefs-d’œuvre de l’école de Sycione, l’une des plus anciennes et des plus célèbres de la Grèce. L’Hyacinthe de Nicias, célébré par Martial, fut rapporté d’Alexandrie par Auguste. Les chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture grecques étaient donc recueillis avec soin dans cette ville, qui, comme l’a dit Saint-Martin, ne fut pas une ville égyptienne ; mais une ville grecque en Égypte.

C’est surtout en ce qui concerne les sciences et la philosophie d’Alexandrie que l’influence de ces mystérieuses connaissances, de ces profondes doctrines qu’on prêtait à l’Égypte, a été exagérée outre mesure. En combattant les exagérations systématiques et traditionnelles qui, mises en avant de très bonne heure et répétées de siècle en siècle, sont arrivées à cet état de lieu commun qui est la consécrations du préjugé, en les combattant, dis-je, je ne suis point suspect de

  1. On n’en a trouvé aucune trace ; mais on sait que des hiéroglyphes, entre autres le signe de la vie, étaient tracés sur les murs intérieurs du Sérapéum.