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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/117

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haine qu’il a pour elle est toute politique, et que les odieuses passions du sectaire ne rétrécissent pas son esprit, ne faussent pas son jugement. Si, par momens, sa sagacité ordinaire vient à faiblir, s’il se livre quelquefois à des espérances exagérées bientôt trompées par la réalité, ce n’est pas l’effet d’un injuste mépris pour les adversaires de sa patrie ; c’est parce que, comme tous les hommes vraiment propres aux affaires, il est enclin à un excès de confiance qui est peut-être la condition absolue de l’action et du succès.

J’eusse voulu extraire de ce recueil quelque passage saillant qui pût faire apprécier la manière et le style de sir Robert Adair ; mais ce procédé, applicable aux œuvres littéraires, aux compositions faites à tête reposée, ne l’est pas également à des lettres écrites sous l’impression immédiate des événemens et, pour ainsi parler, sur le champ de bataille ; la véritable valeur d’une telle correspondance consiste dans l’ensemble des points de vue qui y sont exposés, et toute citation isolée, avec quelque soin qu’on la choisît, quel qu’en fût le mérite intrinsèque, risquerait de ne donner de cet ensemble qu’une idée fort inexacte. Il est cependant une de ces dépêches, ou plutôt un mémoire, qui me paraît mériter d’être signalé particulièrement à l’attention du lecteur : c’est celui que sir Robert Adair, au moment où il allait quitter Vienne ; remit au comte de Stadion, comme l’expression de son opinion sur la situation réciproque dans laquelle cette rupture involontaire allait placer l’Angleterre et l’Autriche. Il y établit avec une grande force de logique que les deux pays, unis par une entière communauté d’intérêts, ne cesseront pas d’être alliés de fait, alors même qu’ils pourront se trouver contraints à une hostilité apparente, que tout ce que l’Angleterre fera pour contrarier les progrès de la puissance française tournera en réalité au profit du cabinet de Vienne, et que le jour où ce cabinet se sentira la force de rejeter le joug de la France, par ce seul fait et sans qu’il soit besoin d’aucune négociation, il redeviendra immédiatement l’ami, l’allié du cabinet de. Londres, et trouvera en lui un auxiliaire zélé. Ces considérations sont développées par sir Robert Adair avec autant d’élévation que de netteté. Il est impossible de n’être pas frappé de la générosité habile avec laquelle, en expliquant la position respective des deux cours, il dissimule ce qu’elle a d’humiliant pour l’Autriche, et s’efforce de l’encourager en la relevant en quelque sorte de son abaissement, en lui faisant comprendre qu’à Londres, loin de lui savoir mauvais gré de la dure nécessité qu’elle subit, on l’approuve de se réserver pour des temps meilleurs.

Le livre de sir Robert Adair ne contient pas seulement ses propres dépêches, l’ami de Fox y a joint quelques-unes de celles des ministres anglais dont il recevait les ordres et aussi des agens diplomatiques et autres avec qui il eut à correspondre, soit pour leur donner, soit pour