Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un quart le faux de l’intérêt dans toutes les transactions où elle est partie. Du moment que la Banque de France a eu fait connaître cette détermination qui impliquait l’intention de réduire la quantité de ses avances au commerce, en même temps qu’elle en rendait les conditions plus onéreuses, tous les escompteurs de Paris ont été autorisés à accroître leurs prétentions au moins d’autant, et dans beaucoup de cas du double et du triple. Je ne dis pas assez, ils y ont été forcés, parce qu’ils viennent demander à la Banque d’escompter les effets du public manufacturier ou commerçant après qu’ils les ont revêtus de leur propre signature. Il y a donc eu une hausse générale du taux de l’intérêt à Paris, et, par une liaison obligée, la hausse s’est fait sentir dans les départemens. Tous les banquiers et toutes les banques du royaume ont dû imiter la Banque de France, ne fût-ce que parce qu’ils sont les uns et les autres en relations d’affaires avec elle ou avec ses comptoirs des départemens. Le taux de l’intérêt s’étant élevé en France dans toutes les affaires commerciales, le contre-coup s’en est fait sentir sur tous les grands marchés d’Europe. La banque d’Angleterre a porté son taux d’escompte de 3 à 3 et demi. L’événement a eu des conséquences européennes, universelles ; en un mot, la Banque de France peut être considérée comme ayant causé la hausse du taux de l’intérêt dans le monde entier.

Il est utile d’examiner si cette mesure de la Banque de France est un bien ou un mal dans les circonstances actuelles : le mal étant démontré, en supposant qu’il le soit, il importe de savoir s’il était nécessaire, inévitable, si la Banque de France a fait ce qu’elle avait de mieux à faire dans l’intérêt public et pour sortir elle-même de l’espèce d’embarras où elle se trouvait engagée.

Pour répondre à cette question, il faut avant tout savoir quelle est la nature de la difficulté qu’éprouve la France, quel est le genre d’embarras dont la Banque est affectée. Sur ce point, tout le monde est d’accord : l’industrie française est demeurée, autant qu’il pouvait dépendre d’elle, dans une situation : normale. Il n’y a point eu de faute faite, aucune exagération dans notre production manufacturière, aucune spéculation folle de la part de notre commerce d’exportation. On ne signale nulle part un encombrement de produits ; on n’a pas la moindre nouvelle d’expéditions démesurées vers les marchés éloignés, qui aient eu pour effet d’y avilir les prix, de renverser les espérances et de compromettre la fortune de nos négocians. Rien de ces écarts du génie commercial si communs en Angleterre, et que nos voisins désignent par le mot d’overtrading ; point de ces débauches d’importation de mille, produits de luxe pareille à celle qui a précédé aux États-Unis la grande crise de 1837 : notre tarif de douanes, avec les prohibitions dont il entoure notre territoire en guise de chausse-trapes, suffirait à y mettre bon