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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/690

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ressources. Derrière la monnaie de papier de la banque, au moyen des lettres de change ou engagemens que la banque a dans son portefeuille, existent des valeurs bien réelles, des produits de toute sorte, matières premières ou objets manufacturés, qui sont des richesses au même titre que l’or et l’argent, à ce point qu’ils composent presque tout ce que possède le peuple le plus riche du monde. La monnaie de papier de la banque est l’exacte représentation d’une quantité déterminée de ces objets. Le billet de banque, lorsque la banque ne s’en est pas laissé imposer, représente ces vins, ces blés, ces cuivres, ces fils ou ces tissus de coton ou de lin, de soie ou de laine, dont je puis retrouver la trace avec les lettres de change que la banque a dans son portefeuille, et auxquels, depuis la transaction, le travail a ajouté une utilité nouvelle, qui se traduit par un accroissement de valeur. Au contraire, derrière le papier-monnaie, il n’y a, le plus souvent, que la vague promesse d’un gouvernement aux abois.

On s’est servi d’une autre formule heureuse pour caractériser l’acte que fait une banque lorsqu’elle escompte ; on a dit que c’était une opération d’assurance. Une transaction avait eu lieu entre deux particuliers, l’un vendeur, l’autre acheteur. En escomptant l’engagement individuel souscrit par l’acheteur, la Banque remplace un titre que le public n’aurait pu accepter contre d’autres titres connus de tout le monde, acceptés sans hésitation, et dont elle répond : une banque est un assureur qui prend la responsabilité d’une transaction privée moyennant une faible prime, de sorte que le taux de l’escompte comprend, comme une de ses parties intégrantes, une prime d’assurance. Ce rôle d’assureur exige que la banque soit vigilante et bien informée, qu’elle s’attache à n’escompter que les effets représentant des transactions véritables, derrière lesquelles il y ait un travail ou une création d’utilité[1].

Il appartient à une grande banque telle que la Banque de France de modérer et de stimuler tour à tour, selon les besoins, le commerce du pays où elle est établie. C’est une des destinations qu’assigne aux banques le législateur, quand il les institue ; le rôle d’escompteur ou d’assureur qu’elles exercent leur en donne le pouvoir. Il convient donc qu’elles le remplissent sur la plus grande échelle, et particulièrement à l’égard des maisons sur lesquelles tout le monde se modèle, dont les producteurs recherchent le patronage ou l’intermédiaire. C’est

  1. L’assimilation des banques aux établissemens d’assurances est un des traits qu’on trouve en grand nombre dans une notice sur l’organisation des banques, publiée dans la Revue de Paris en 1840 par M. Olinde Rodrigues. Dans cet écrit, M. Rodrigues a trouvé le moyen de présenter en vingt-cinq pages l’ensemble des idées les plus avancées et en même temps les plus exactes et les plus pratiques sur le sujet qu’il traitait. Cette œuvre courte et substantielle dénote l’homme exercé à manier les idées générales et non moins familier avec tous les détails de la pratique.