Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se préoccupe à juste titre, et dont l’annonce a imprimé un heureux mouvement à l’émigration et aux demandes en concession de terres. Ces deux projets, qui viennent d’être distribués aux chambres, sont l’œuvre de deux de nos généraux les plus distingués, MM. de Lamoricière et Bedeau. Le premier, qui s’applique à la province d’Oran, consiste à établir dans le grand triangle compris entre Oran, Mostaganem et Mascara, cinq mille familles de cultivateurs européens, répartis en vingt-deux communes, qui embrasseraient une superficie de 80,000 hectares, et dont le peuplement serait confié à des capitalistes qui se chargeraient de toutes les dépenses, à l’exception de celles qu’occasionneraient les routes principales, les enceintes des villages et les principaux édifices publics. Indépendamment des terres domaniales, on se procurerait les terres appartenant aux indigènes, soit par des échanges, soit par des acquisitions directes qui se feraient à bas prix, et par des refoulemens à peine sensibles, tant la population indigène est peu considérable dans cette vaste province. M. le ministre de la guerre a fait sanctionner, par une ordonnance royale en date du 4 décembre dernier, l’application de ce projet sur huit communes. Des capitalistes se présentent chaque jour ; il en est qui ont mis déjà très sérieusement la main à l’œuvre. Avant peu, il se produira dans le triangle dont il s’agit un mouvement de colonisation tout-à-fait remarquable.

Le second projet embrasse le triangle compris entre Philippeville, Bone et Constantine, en passant par Guelma. Il consiste à former trois masses de colons autour de chacune de ces villes, qui seraient réunies par des routes flanquées, de distance en distance, de centres européens. Philippeville aurait un territoire compact de colonisation qui s’étendrait jusqu’à l’Arrouch et engloberait une partie de la fertile vallée du Saf-Saf. Bone aurait son territoire civil actuel avec des jalons sur la route de Guelma et de Philippeville. Constantine serait entourée d’une banlieue, en dehors de laquelle, dans un polygone de 40 kilomètres de rayon, on établirait des bourgs sur les routes qui se dirigent de cette capitale sur tous les points de la province. Dans ce triangle, l’état possède de vastes étendues de terre, qui ne s’élèvent pas à moins de 150,000 hectares, autour de Constantine. M. le lieutenant-général Bedeau les rendra disponibles successivement, selon les besoins de la colonisation, en déplaçant et en resserrant les indigènes qui les occupent à titre précaire. Il offre d’en livrer 37,000 hectares en 1847 et autant en 1848, sans susciter de mécontentement sérieux, sans troubler la paix habituelle de la province. Ces terres seraient réparties entre des villages et des exploitations isolées, et il en serait fait concession tant aux petits propriétaires qu’aux capitalistes, proportionnellement aux ressources de chacun. L’état se chargerait, comme dans le projet de M. le lieutenant-général de Lamoricière, de l’exécution des travaux de viabilité et de salubrité. M. le ministre de la guerre, désireux d’activer l’application de ce second projet et de faire concourir à la colonisation les capitalistes en grand nombre qui sont en instance pour obtenir des concessions dans la province de Constantine, vient de décider que 12,000 hectares dans la vallée du Saf-Saf et 15,000 dans celle de Bou-Merzoug allaient être immédiatement concédés aux personnes qui veulent fonder des établissemens sur ces points, et parmi lesquelles figurent les noms les plus honorables. Le mouvement colonisateur est donc imprimé à Constantine aussi bien qu’à Oran. Il ne faudrait pas que le concours du parlement fît défaut à la