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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/186

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pas à l’audacieux qui la regarde de près et la juge. » Or, M. Henri Mérimée a regardé la Russie de très près, et c’est de très près qu’il l’a jugée. Nous n’en voulons pour preuve que les pages si sévères et si vraies où il indique les plaies qui rongent l’administration impériale ; nous citerons encore d’autres pages non moins bien senties, non moins vivement écrites sur l’aristocratie russe. On regrette, en lisant certaines parties de ces lettres, qu’il ne se soit pas laissé plus souvent aller à ces épanchemens, qui montrent, à la place du spectateur bénévole, l’observateur clairvoyant et ferme. On regrette aussi qu’il se soit trop interdit les exemples, qui pouvaient servir à éclairer, à justifier ses opinions. Le livre a gagné, nous le savons, à ces éliminations une marche plus rapide, une allure qui n’est pas sans grace dans sa vivacité familière ; mais on pouvait, sans sortir des limites tracées par le cadre épistolaire, ajouter quelques développemens, citer quelques faits à l’appui des jugemens. Quoi qu’il en soit, ces lettres n’en offrent pas moins, avec l’attrait d’une causerie aimable, l’intérêt d’une exacte appréciation sur un pays qu’aujourd’hui plus que jamais la France doit tenir à bien connaître.


— La littérature actuelle de l’Italie n’est que l’expression incomplète des tendances élevées et libérales qui se font jour au-delà des Alpes. Si l’on parcourt en effet les pages du journal de la librairie italienne, Bibliografia italiana, qu’y trouvera-t-on ? Des ouvrages de dévotion et de théologie, des vies de saints, des épithalames et des élégies en l’honneur des grandes familles, des histoires morales à l’usage de la jeunesse, et force traductions de romans français. Quant aux publications scientifiques, la surveillance rigoureuse de l’autorité n’en laisse passer qu’un petit nombre. Il est des villes même où les thèses de médecine doivent être revêtues de l’approbation ecclésiastique. On comprend que l’activité de la pensée italienne ne puisse se resserrer en de telles limites. Il lui faut une arène plus large, et cette arène, que l’Italie lui refuse, elle la cherche au dehors ; elle la trouve surtout en France, cette terre hospitalière qui depuis Dante a toujours accueilli les exilés de la péninsule. Là aussi les écrivains italiens ont une double tâche à remplir. Ils doivent à la fois signaler les maux qui désolent leur pays, et le défendre contre les attaques, les calomnies que ses ennemis cherchent à propager. Pendant long-temps les exigences qui naissaient de cette situation délicate ont pu être difficilement satisfaites, faute d’un recueil spécial où les publicistes éminens de l’Italie fussent admis à discuter librement les questions variées qui s’agitent par-delà les monts. Ce recueil est maintenant fondé, et rien ne s’oppose plus à l’accomplissement de la double tâche dont nous parlons ; il devient à la fois possible à ces publicistes d’exposer dans tous ses détails la situation de l’Italie et de réfuter les assertions inexactes si souvent encore émises à ce sujet. La personne qui a fondé ce recueil, intitulé l’Ausonio, et qui appartient à la haute aristocratie de son pays, a elle-même montré, dans les divers travaux qu’elle y a publiés, comment ce noble rôle devait être rempli. Ses efforts ont été dignement secondés, et l’Ausonio contient plusieurs pages dues à des penseurs, à des savans, à des poètes qui représentent avec éclat le mouvement intellectuel dans la patrie de Dante. Celles qui retracent l’état actuel de l’Italie méritent surtout d’être signalées au public français. Notre attention s’est portée sur une suite d’études, parmi lesquelles nous avons remarqué un tableau intéressant