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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/519

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conduite qu’il a tenue depuis ne permet pas un instant de douter que ces instructions, quelle que soit la main qui les ait rédigées et signées, ne lui aient été envoyées et ne l’aient autorisé à désigner aux préférences du prince des Asturies Mlle Tascher de la Pagerie. Il eut à ce sujet, dans les mois de juillet et d’août 1807, de nombreuses conférences avec les conseillers du prince, notamment avec le duc de l’Infantado et le chanoine Escoïquitz. On dit même que, pour mieux irriter les désirs du prince, il fit passer sous ses yeux un portrait de Mlle Tascher, et que la vue de cette charmante figure l’enivra.

Ferdinand suivit les conseils de ses amis, et, le 11 octobre 1807, il écrivit, à l’insu de son père et de sa mère, à l’empereur Napoléon. Sa lettre portait tous les caractères de la plus respectueuse déférence et de l’effusion la plus amicale. Il commençait par exprimer ses sentimens de respect, d’estime et d’attachement pour un héros « qui effaçait, disait-il, tous ceux qui l’avaient précédé. » Il implorait ensuite sa puissante protection. « Je suis bien malheureux d’être obligé par les circonstances à cacher comme un crime une action si juste et si louable ; mais telles sont les conséquences funestes de l’extrême bonté des meilleurs rois. » Enfin, il sollicitait l’honneur de s allier à une princesse de son auguste famille. « C’est le vœu unanime de tous les sujets de mon père, ajoutait-il : ce sera aussi le sien, je n’en doute pas, malgré les efforts d’un petit nombre de malveillans, aussitôt qu’il aura connu les intentions de votre majesté impériale. C’est tout ce que mon cœur désire ; mais ce n’est pas le compte de ces égoïstes perfides qui l’assiégent, et ils peuvent, dans un premier mouvement, le surprendre. Tel est le motif de mes craintes. Il n’y a que le respect qu’inspire votre majesté impériale qui puisse déjouer leurs complots, ouvrir les yeux à mes bons, à mes bien-aimés parens, les rendre heureux, et faire en même temps le bonheur de ma nation et le mien. Le monde entier admirera de plus en plus la bonté de votre majesté impériale, et elle aura toujours en moi le fils le plus reconnaissant et le plus dévoué. » Ferdinand terminait en déclarant qu’il se refuserait avec une invincible constance à s’allier à toute personne que ce fût sans le consentement de sa majesté impériale, « de qui, disait-il, il attendait uniquement le choix d’une épouse[1]. »

Au fond, bien qu’on en ait dit, l’empereur fut très satisfait de la lettre de Ferdinand. Par cette démarche illégale, presque criminelle, le prince se mettait à sa discrétion : il lui livrait le secret de sa vie domestique et en quelque sorte sa destinée. Tout réussissait ainsi au gré des désirs de l’empereur. Il ne répondit point à Ferdinand ; il ne pouvait pas lui répondre. S’il l’eût fait, il aurait manqué à tous les égards dus au roi

  1. Extrait du Moniteur du 5 février 1810.