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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/521

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écrire, et, qu’il avait avec ses conseillers, notamment avec le duc de l’Infantado et le chanoine Escoïquitz, de longs entretiens. Ces renseignemens lui suffirent. Il communiqua à la reine d’abord, puis au roi, ses soupçons et ses craintes. Le 29 octobre, à six heures et demie du soir, le prince des Asturies fut arrêté et conduit, sous escorte, dans la salle du conseil. Le roi présidait en personne, entouré de tous ses ministres. Misérable jouet d’un favori ambitieux et d’une reine dissolue, oubliant, tout ce qu’il doit à sa dignité de père et de roi, ce vieillard inflige à son fils, à l’héritier de sa couronne, le plus sanglant de tous les outrages il lui fait subir la honte d’un interrogatoire ; il s’emporte contre lui, le reconduit lui-même, à la tête de ses gardes, dans ses, appartemens, le somme de lui rendre son épée, place deux sentinelles à sa porte et puis rentre chez lui le cœur plein de trouble et de colère. Les conseillers les plus intimes de Ferdinand, le chanoine Escoïquitz, le duc de l’Infantado et le duc de San-Carlos, sont de même arrêtés et jetés en prison. Au nombre des papiers saisis chez ce prince, on trouva deux mémoires écrits de sa propre main, mais qui avaient été composés par le chanoine Escoïquitz. L’un et l’autre étaient adressés au roi et avaient pour but de lui dévoiler les projets criminels du prince de la Paix. Le caractère du favori, sa conduite privée et politique, ses vices, son ambition, tout y était peint avec des couleurs surchargées ; la calomnie y était poussée jusqu’à l’absurde. On ne se bornait pas à dénoncer son incurie, son indolence, le scandale de ses mœurs ; on en faisait une sorte de monstre digne de figurer dans l’histoire à côté de Séjan. On trouva aussi chez le prince des Asturies la minute de la lettre qu’il avait écrite le 11 octobre à l’empereur, le plan de conduite à suivre en cas de mort prochaine du roi, et enfin divers décrets tout préparés et qui portaient déjà le seing de Ferdinand VII ; la date seule était en blanc. Le duc de l’Infantado était nommé commandant des troupes ; le comte de Montarco, président du conseil de Castille ; le duc de San-Carlos conservait ses fonctions de grand-maître du palais. Le poste de premier ministre était déféré au vieux comte de Florida-Blanca, ancien ministre de Charles III. Au moment où Charles IV aurait cessé de vivre, Ferdinand resterait près de sa mère ; il continuerait d’avoir pour elle les plus respectueux égards, mais il s’attacherait à ses pas, il ne la quitterait pas un seul instant. De son côté, le duc de l’Infantado se mettrait immédiatement à la tête des troupes ; il cernerait le palais et proclamerait Ferdinand VII roi d’Espagne et des Indes. Le nouveau roi informerait, sur-le-champ l’empereur de son élévation et réclamerait sa puissante protection. La lettre à ce souverain était toute prête et également signée ; il n’y manquait que la date.

A, la lecture de ces pièces qui la dévoilaient, la reine s’abandonna à des transports inouis de colère ; toute prudence l’abandonna. Elle fit