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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/529

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cette nouvelle possession, elle s’y emploiera tout entière ; elle deviendra ainsi entre nos mains un levier formidable contre l’Angleterre. Une fois maître de la Biscaye, du Guipuzcoa, de la Navarre et de la Catalogne, l’empereur le sera de toutes les grandes lignes qui débouchent en Castille et en Murcie ; Madrid sera sous sa main ; la cour ne pourra plus remuer un régiment ni un canon sans sa volonté. Dès-lors, que ce soit Charles IV, la reine, Godoy ou Ferdinand qui gouverne, peu lui importera ! L’Espagne sera garrottée, enchaînée sans retour à sa fortune. Ce plan une fois arrêté, il s’agissait de l’exécuter avec rapidité et prudence. Ici la ruse était plus que jamais de rigueur. Il fallait que nos desseins ne fussent connus à Madrid que lorsque cette cour ne pourrait plus y mettre obstacle.

Depuis plusieurs mois, les divers corps d’armée destinés à occuper la Péninsule se rassemblaient, les uns en Bretagne, les autres sur les bords de la Gironde, en Poitou et à Orléans, d’autres enfin en Italie, et, dès qu’ils avaient complété leur organisation, ils étaient dirigés sur les Pyrénées. Les premières divisions désignées sous le nom de deuxième corps d’observation de la Gironde, passèrent la Bidassoa le 22 novembre. Elles comptaient 24,000 hommes d’infanterie, 3,600 chevaux et 38 pièces de canon. Elles étaient composées en majeure partie de conscrits pris, par anticipation, sur la levée de 1808, et destinés, sous le titre de légions de réserve, à la garde des frontières. Dupont, qui s’était couvert de gloire dans les dernières campagnes d’Allemagne, les commandait en chef. Ce général conduisit ses troupes, d’abord sur l’Èbre, puis sur Valladolid, où il s’arrêta. Le 9 janvier 1808, un nouveau corps d’armée, fort de 28,000 hommes, dont 2,700 de cavalerie, et composé, de même que le précédent, de jeunes soldats à peine instruits, pénétra par la même route en Biscaye. Il était commandé par le maréchal Moncey, qui déjà, en 1794, avait fait la guerre et s’était illustré dans la Péninsule. Un troisième corps moins considérable que les deux autres, — il ne comptait pas plus de douze mille hommes, dont deux mille de cavalerie, — partit de Perpignan, où il s’était formé, et envahit la Catalogne dans les premiers jours de février. Il était sous les ordres du général Duhesme et composé presque entièrement d’Italiens. Les troisièmes et quatrièmes bataillons des régimens qui servaient en Portugal se réunirent en brigade à Saint-Jean-Pied-de-Port, et envahirent la Navarre. Enfin, des corps composés, les uns de régimens suisses, les autres de jeunes conscrits de la levée de 1808, ou de bataillons et d’escadrons tirés des dépôts de l’armée de Boulogne, s’organisèrent par les soins des généraux Verdier et Lassalle à Orléans et à Poitiers, afin de soutenir et de renforcer ceux qui étaient déjà entrés en Espagne. Toutes ces forces dépassaient de beaucoup le chiffre de quarante mille hommes que la France s’était engagée, par le traité de Fontainebleau, à tenir disponibles