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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/685

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Les lettres de la reine Maria-Luisa à sa fille et à Murat resteront comme des monumens impérissables de la dégradation morale de cette famille. Il faut bien en citer des fragmens, ne fût-ce que pour faire connaître dans quelles misérables mains étaient tombées les destinées du peuple espagnol.


La reine Maria-Luisa à sa fille la reine d’Étrurie.

« Aranjuez, 26 mars 1808.

« MA CHÈRE FILLE,

« Vous direz au grand-duc de Berg la position du roi, la mienne et celle du pauvre prince de la Paix. Mon fils Ferdinand était à la tête de la conjuration ; les troupes étaient gagnées par lui ; il fit sortir une lumière à une de ses fenêtres, signe qui fit commencer l’explosion… Mon fils fait tout ce qu’il peut pour faire de la peine au roi son père ; il nous presse pour que nous partions ; il nous envoie à Badajoz ; il nous laisse sans aucune considération, très content de ce qu’il est et que nous nous en allions… »


La reine Maria-Luisa au grand-duc de Berg.

« Aranjuez, 26 mars 1808.

« Mon fils ne sait rien ; il faut au contraire qu’il ignore tous nos pas. Son caractère est faux. Rien ne l’affecte. Il est insensible, guère porté à la clémence. Il est mené par de mauvais sujets, et l’ambition qui le domine le portera à tout. Il promet, mais ne fait pas toujours ce qu’il promet. Je crois que le grand-duc doit prendre des mesures pour empêcher qu’ils ne tuent le pauvre prince de la Paix, car les gardes-du-corps ont dit qu’ils le tueraient plutôt que de permettre qu’on le sépare de leurs mains, quoique ni le grand-duc ni l’empereur ne l’ordonnent. Ils sont enragés ; ils enflamment tout le peuple, tout le monde, et mon fils aussi qui est tout d’eux. Ils feront de même du roi et de moi. Nous sommes entre les mains du grand-duc et de l’empereur. »


Autres notes également écrites par la reine au grand-duc de Berg.

« …Si le grand-duc de Berg n’a pas la bonté et l’humanité de faire que l’empereur ordonne et promptement que cette cause (le procès de Godoy) ne se suive pas, le pauvre ami du grand-duc, de l’empereur des Français et de moi, ils vont lui couper la tête en public, et ensuite à moi… Ils précipiteront l’exécution pour qu’à l’arrivée de la résolution de l’empereur ils ne puissent pas le sauver, étant déjà décapité. Le roi mon mari et moi ne pourrons voir avec indifférence cet horrible attentat contre leur intime ami et celui du grand-duc. Il souffre parce qu’il est l’ami du grand-duc, de l’empereur et des Français. Il n’y a aucun doute à cela. Mon fils est d’un très mauvais cœur ; son caractère est sanglant ; il n’a jamais aimé son père ni moi ! Ses conseillers sont sanguinaires ; ils ne se plaisent qu’à faire des malheureux et ne sentent à cœur ni père ni mère. Ils veulent nous faire tout le mal possible ; mais le roi et moi avons plus d’intérêt à sauver la vie et l’honneur de notre innocent ami que le nôtre même. Mon fils est l’ennemi des Français, quoiqu’il dise le contraire. Je crains qu’il ne fasse