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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/795

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qui suivirent, sous les invasions des barbares, obscurci et dénaturé dans sa partie technique pendant la nuit intellectuelle où fut plongée l’Europe ; cet art survécut néanmoins, et l’école byzantine conserva des traditions qui, transmises plus tard aux nations de l’Occident, devaient, dans des circonstances plus favorables, recevoir de magnifiques développemens. Cet honneur suffit à sa gloire ; mais là s’arrêtent les services qu’elle a pu rendre. L’influence prolongée de cet art de transition, renfermé dans des principes d’une inflexibilité dogmatique, eût fini par étouffer l’art plus élevé et plus complet appelé à le remplacer. Il manquait à l’école byzantine un principe aussi indispensable au développement intellectuel de l’homme qu’à son développement moral, la liberté. Ce principe, l’art chrétien le reçut de l’Italie, et puisa dès-lors une vie merveilleuse dans le concours de toutes les forces individuelles, de toutes les inspirations spontanées.

L’état actuel de la peinture byzantine chez les peuples restés fidèles à sa tradition inflexible confirme hautement cette appréciation. Au moment où les enseignemens de Cimabué étaient si heureusement modifiés par Giotto, son élève, les byzantins persistaient dans une voie où l’art, également mal compris par ses interprètes comme moyen de culte et comme culte en lui-même, devait s’éteindre sous un joug destructeur de toute inspiration pour faire place à de simples formules graphiques. C’est ainsi que nous voyons les peintres modernes du mont Athos, étrangers à toute idée du beau, n’en comprenant ni l’essence ni le but, détruire les fresques les plus précieuses de leurs couvens pour y substituer leurs créations informes. C’est ainsi que, dans un temps peu éloigné, à la place des œuvres éminentes dont nous avons essayé de donner une idée, la barbarie née d’un culte aveugle de la tradition n’aura plus rien laissé qui soit digne d’exciter l’admiration de l’artiste ou la curiosité du savant.


DOMINIQUE PAPETY.