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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/812

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ces circonstances ; l’ennemi l’a évitée ou négligée impunément, et elle ne nous a rendu de services que comme dépôt des munitions. C’en est assez pour justifier les soins dont elle n’a pas cessé d’être l’objet. La politique actuelle de la France envers l’Italie n’ajoutera, du reste, rien à l’importance d’Antibes. Nous n’avons pas aujourd’hui d’intérêt extérieur plus cher ni mieux compris que celui de voir la nation italienne se constituer assez fortement pour couvrir ce côté de nos frontières contre les ennemis de notre grandeur et de son indépendance. Il est peut-être dans les décrets de la Providence que les fortifications dont le gouvernement sarde a hérissé Vintimille n’aient pas d’autre destinée : l’opposition que met l’Autriche à ce qu’il répare et complète les remparts d’Alexandrie est, à cet égard, d’un bon augure, et l’on serait tenté de la prendre pour un pressentiment.

Notre territoire finit au Var, le plus dévastateur des torrens que vomissent les Alpes. « Il est si fou et si gueux, dit Vauban[1], que le profit qu’on en pourroit espérer n’égaleroit pas la centième partie de la dépense qu’il y faudroit faire… » Il roule à la mer d’énormes masses de galets ; le courant méditerranéen les pousse incessamment à l’ouest ; ils s’usent en se frottant les uns contre les autres, décroissent de volume à mesure qu’ils avancent, et se réduisent enfin en sables dont une partie se dépose dans les petits ports du voisinage. Un peu au-delà, Nice s’épanouit au soleil du midi et baigne ses pieds dans la mer, Nice fondée par les Marseillais, dont elle fut la première colonie, sarde par les traités et française par son langage, par sa position en-deçà des Alpes, et par la gloire dont plusieurs de ses enfans ont couronné nos drapeaux.

Nous sommes arrivé au terme de notre course, en remarquant en chemin les besoins particuliers et les ressources propres des principaux points de la côte, mais sans considérer les rapports qui les unissent entre eux et la manière dont l’ensemble est affecté par l’état de chacune de ses parties ou par les circonstances extérieures.

De grandes choses sont déjà faites ou résolues pour la sûreté générale de la navigation. Au premier rang des bienfaits que la marine ait jamais reçus de la science et de l’état se place le système complet de phares et de fanaux par lequel toutes les côtes de notre hospitalière patrie sont à la veille d’être éclairées. Pour qu’il pût se réaliser, il fallait que les savantes découvertes, les ingénieuses inventions d’Auguste Fresnel[2] nous eussent appris à condenser dans des plans horizontaux l’éclat des

  1. Oisivetés, tome 1er.
  2. Fresnel (Auguste-Jean), né à Broglie (Eure) en 1788, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, membre de l’Institut, mort à Paris, à peine âgé de trente-neuf ans. Ses principaux travaux scientifiques sont consignés dans les Annales de Chimie et de Physique et dans les Mémoires de l’Académie des Sciences. Son Mémoire sur l’éclairage des phares est de 1822.