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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/953

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nelles ne viendra pas échouer devant d’imprudens caprices. Nous ne croyons pas d’ailleurs aux étranges rumeurs répandues avec affectation par la presse anglaise, qui prétend que la cour de Rome sera bientôt sollicitée, comme au moyen-âge, comme au XVIe siècle, d’annuler un royal mariage. Est-ce M. Bulwer qui accrédite ces bruits dans les journaux de Londres ? Ce diplomate est plus pétulant qu’habile. Il n’a reculé devant aucun moyen pour dominer la reine Isabelle, pour l’enchaîner à sa politique ; mais la franchise cavalière avec laquelle il a marché à son but l’a emporté trop loin. On peut apprécier maintenant la sollicitude et le respect du représentant de l’Angleterre pour l’honneur de la royauté espagnole. Ces excès amèneront une réaction dont on aperçoit déjà les symptômes. Comment la diplomatie anglaise avait-elle réussi jusqu’à un certain point à inspirer à l’Espagne et à son gouvernement des ombrages contre la France ? En disant que l’Angleterre seule se faisait un devoir de n’exercer aucune influence sur la politique espagnole, en nous montrant au contraire animés de l’ambition de la diriger. Après ce qui s’est passé depuis deux mois, comment la diplomatie anglaise pourra-t-elle se vanter encore de cette prétendue abnégation ? C’est surtout quand le départ de notre ambassadeur lui a laissé le champ libre, qu’elle a tout-à-fait levé le masque, comme n’ayant plus rien à craindre et à ménager, et il lui sera difficile de revenir au rôle d’hypocrisie qu’elle avait joué long-temps, non sans succès. Si le parti modéré a paru un moment découragé, il sortira sans doute de sa torpeur pour empêcher que le pouvoir ne tombe entre les mains des radicaux progressistes, qui sont pour la plupart les créatures de l’Angleterre. Il profitera, il faut l’espérer, de la défaveur qui s’attache maintenant à un pareil appui, pour ressaisir l’influence et se montrer à l’Espagne comme le véritable défenseur de son indépendance. L’Espagne ne saurait, comme le Portugal, être réduite à l’impuissance d’améliorer elle-même sa propre situation, et, au moment où elle partage avec l’Angleterre et la France la mission de rétablir l’ordre dans les états de dona Maria, elle doit s’efforcer de raffermir chez elle sa liberté et ses institutions.

La transaction qui avait été proposée au gouvernement de la reine dona Maria et aux insurgés a été repoussée par ces derniers, qui n’ont plus mis de bornes à leurs exigences. La reine dona Maria, quel que fût le mécontentement de plusieurs de ses partisans, s’était déterminée à accepter les conditions dont nous avons parlé : l’amnistie, la convocation des cortès, un nouveau ministère qui offrirait des garanties aux insurgés ; mais ceux-ci ne se sont pas contentés de si peu. Ils ont demandé un ministère uniquement composé de révolutionnaires, ils ont exigé le rappel de tous les exilés, la suppression du commandement en chef de l’armée ; ils voulaient qu’on conservât sur pied toutes les forces populaires jusqu’à une nouvelle organisation de la garde nationale, et qu’enfin ce fussent les troupes de la junte qui tinssent garnison dans Oporto, dans Lisbonne et dans les villes les plus importantes. Les commissaires anglais et espagnol, qui étaient chargés de stipuler au nom de la reine dona Maria, n’ont pu souscrire à de pareilles prétentions. Le plénipotentiaire portugais à Londres, ayant appris l’inutilité des efforts tentés par le colonel Wylde et le marquis d’España, afin de mettre un terme à la guerre civile, a renouvelé auprès des trois gouvernemens d’Espagne, de France et d’Angleterre, la demande qu’il avait déjà faite de leur assistance pour amener la pacification des états de la reine dona Maria. Il