Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/954

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

invoquait auprès des trois puissances le traité de la quadruple alliance. Le protocole d’une conférence tenue, il y a dix jours, au Foreign-Office, le 21 mai, nous apprend les résolutions des trois puissances. L’Espagne fera entrer un corps d’armée en Portugal, et les forces navales de l’Angleterre et de la France stationneront le long des côtes de la Péninsule, en combinant leurs opérations avec les vaisseaux de la reine. Ces sortes d’interventions, si modérément qu’elles se fassent, sont toujours chose fâcheuse pour l’indépendance des peuples, nous ne le nions pas ; mais ne deviennent-elles pas inévitables quand chez ces peuples il n’y a pas une force capable de réprimer la licence et l’anarchie ?

C’est là du moins un reproche qu’on ne peut adresser à la Grèce. Les puissances qui auraient à son égard du mauvais vouloir, et qui, dans son démêlé avec la Turquie, se montrent partiales en faveur de la Porte et à son détriment, ne peuvent lui reprocher de n’avoir pas su comprendre les bienfaits d’un gouvernement régulier. Peut-être plutôt penseraient-elles, sans le dire, que la Grèce s’est façonnée bien vite à la régularité du régime constitutionnel. Quoi qu’il en soit, la Grèce, au milieu des épreuves qu’elle subit, reste tranquille et ferme. M. Coletti ne se laisse détourner de l’œuvre qu’il a entreprise ni par les difficultés ni par les dégoûts. Il a accepté la mission de fonder la liberté intérieure de la Grèce, il veut l’accomplir. Jusqu’à quelles concessions croira-t-il devoir aller dans l’épineuse affaire relative à M. Mussurus ? Il faut que, dans cette circonstance, M. Coletti, tout en gardant une attitude convenable, ne tombe pas dans le piège où l’attendent ses ennemis. Ces derniers ont dit tout haut que le différend diplomatique qui s’est élevé à l’occasion de M. Mussurus entre Athènes et Constantinople amènerait la chute de M. Coletti, et ils n’ont pas caché leur joie. Cependant la présence de M. Coletti à la tête du gouvernement est plus que jamais nécessaire à la Grèce ; c’est cet homme d’état qui inspire au pays une confiance entière ; c’est à sa voix qu’une majorité considérable va, selon toutes les probabilités, être envoyée par les électeurs pour soutenir son administration. Il ne lui est pas permis de compromettre un avenir que le pays est presque unanime à lui confier.

En Allemagne, la diète générale de la Prusse manifeste avec autant de fermeté que de mesure l’intention d’attirer à elle toutes les questions politiques et financières. Elle compte à peine deux mois d’existence, et déjà le gouvernement de Frédéric-Guillaume reconnaît l’impossibilité de la tenir enfermée dans le cercle qu’il avait voulu tracer autour d’elle. Le ministère a été obligé de déclarer qu’il n’entendait pas refuser à la diète le droit de s’occuper des affaires de la politique extérieure, et un député lui a reproché vivement le préjudice qu’il avait causé au commerce de la Prusse, en lui fermant l’Espagne par son refus de reconnaître le gouvernement qui avait succédé à Ferdinand VII. La diète a demandé qu’on soumît à son examen le nouveau code pénal qui a été préparé depuis quelques années. Un de ses membres a réclamé la communication d’un budget détaillé, comme cela se pratique en Angleterre et en France. Si la couronne veut cette année obtenir de la diète l’autorisation de contracter un emprunt, elle devra lui accorder le principe de la périodicité de ses assemblées. On voit avec quelle rapidité l’institution créée par Frédéric-Guillaume porte ses fruits. Pendant qu’en Prusse la nécessité de maintenir le bon ordre dans les finances de l’état facilite pour la nation la conquête successive des droits poli-