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main, la correspondance. En lisant les plaintes qu’arrachait sans cesse à Champollion la difficulté des communications épistolaires avec la France, on ne peut s’empêcher de remercier Méhémet Ali, auquel on doit de pouvoir chaque jour donner de ses nouvelles aux siens et en recevoir de ceux qu’on aime.

À côté de ces bienfaits de la civilisation européenne transportés au cœur de l’Afrique, nous avons sous les yeux un exemple de l’incurie profonde de l’administration égyptienne. Depuis quelque temps, le quai de Miniéh a été emporté par le fleuve ; il ne reste plus qu’un passage étroit où la foule se presse et où j’ai vu passer des aveugles. En un endroit où le chemin est interrompu par un éboulement, on ne peut continuer sa route qu’en se cramponnant au mur et en mettant le pied sur un lambeau de terre qui n’est pas encore tout-à-fait détaché, et la foule va ainsi dans deux sens opposés. Il paraît que l’autorité locale ne trouve un tel chemin ni incommode ni dangereux.


10 janvier.

J’ai visité aujourd’hui les tombeaux de Zaouet-el-Meyeteyn et de Koum-el-Ahmar. Les tombeaux égyptiens sont toujours pour moi d’un grand intérêt ; ils m’offrent des tableaux de la vie intérieure, accompagnés d’inscriptions dans lesquelles l’hiéroglyphe et la peinture s’expliquent réciproquement. Champollion a fait parmi ces tableaux un choix judicieux, mais restreint. J’ai vu avec plaisir que là même où cet homme de génie a passé on pouvait encore trouver quelque chose à copier après lui. Il ne faut pas croire que Champollion ait fait dessiner tout ce qui nous intéresse aujourd’hui. Quand il vint dans cette Égypte dont il avait retrouvé la langue et l’écriture, dont il commençait à retrouver l’histoire et la chronologie, il avait tout à faire, les plus grandes choses l’attendaient. Il ne pouvait, il ne devait pas s’attacher à des détails qui ont pris, grace à ses travaux mêmes, une importance entièrement nouvelle. Il y a donc à recueillir après lui ce qu’il a bien fait de négliger alors et qu’il ne négligerait peut-être pas aujourd’hui. Je ne puis entrer ici dans le détail de quelques rectifications de sens que je crois devoir apporter aux interprétations que Rosellini a données de plusieurs inscriptions de Zaouet-el-Meyeteyn et de Koum-el-Ahmar ; le lecteur prendrait peu de plaisir à ces discussions philologiques. J’ai voulu seulement qu’il eût une idée de ce qui reste à faire en Égypte.

À côté des tombeaux que nous venons de visiter et qui formaient une antique nécropole, peut-être celle d’Alabastron, s’élève la nécropole moderne de la ville de Miniéh. On sait que, dans l’ancienne Égypte, près de la ville des vivans était toujours la ville des morts. En général, la sonde était séparée de la première par le Nil, comme à Thèbes. Eh bien ! ici le lieu de sépulture est aussi de l’autre côté du fleuve. L’usage actuel