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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/285

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le plus, dit-il, ce fut la rencontre de Molière et de MM. les Béjart (les deux frères de Madeleine). Comme la comédie a des charmes, je ne pus si tôt quitter ces charmans amis, et je demeurai trois mois à Lyon. » Ces trois mois passés, et à la suite de quelques mésaventures dont nous n’avons par bonheur nul besoin de parler, il renonça, pour cette année-là, à passer les monts, et, « comme Molière fut commandé avec sa troupe pour aller divertir, à Pezenas, les états de Languedoc, » il s’embarqua sur le Rhône avec les comédiens qui, depuis Avignon, où il perdit tout son argent, voulurent bien le défrayer, le nourrir, l’emmener à Pezenas, « et ne se lassèrent pas de l’y voir à leur table tout un hyver. » En ce même lieu de Pezenas, Molière retrouvait enfin, mais cette fois sans aucun doute et sans anachronisme, un ami de meilleure compagnie, le prince de Conti. Celui-ci avait eu aussi d’étranges fortunes depuis l’époque où nous avons vu que Molière n’avait pu renouer connaissance avec lui. Sorti de prison en février 1651, dès le mois de septembre suivant il lui avait fallu quitter Paris pour aller faire la guerre civile en Guyenne, ce qui dura jusqu’à la fin de juillet 1653. Le traité qui fut conclu alors lui permit de résider dans le royaume en une maison qui lui appartenait, à Pezenas ; mais il n’y fit pas, en ce temps, longue demeure. Dans les derniers mois de 1653, on le vit s’acheminer en pleine liberté et en bonne humeur par Montpellier, Vienne et Lyon, vers Paris, où il venait épouser la nièce du ministre contre lequel il avait pris les armes. Marié le 22 février 1654, et pourvu du gouvernement de Guyenne, il quitta la cour et sa femme dès le 26 mai pour aller commander l’armée de France en Roussillon. Après la campagne, et lorsqu’on l’attendait à Paris, il reçut du roi une commission expresse à l’effet de présider les états de Languedoc, qui s’ouvrirent le 7 décembre à Montpellier. L’année suivante, le 5 mai, il quitta Montpellier, où il parait qu’il avait passé tout l’hiver avec sa femme, et retourna en Roussillon, d’où il était revenu le 20 octobre 1655 à Narbonne, se rendant à Pezenas. Ces dates établies, il est facile de trouver par conjecture, car c’est tout ce qui est permis, où put se faire la rencontre des deux anciens compagnons d’études. Le prince de Conti, délivré de la pénitence temporaire qui le retenait à Pezenas, passa par Lyon vers la fin de 1653 ou dans les premiers jours de 1654. Il y séjourna, et rien n’empêche de croire que Molière soit allé le saluer, qu’il en ait reçu bon accueil, que même, si le titre de la pièce ne lui faisait pas peur, le prince ait assisté à une représentation de l’Étourdi. Il ne put pas être encore question à cette époque du Languedoc, parce que le prince n’avait alors aucune promesse du gouvernement de cette province qui appartenait au duc d’Orléans, oncle du roi, parce qu’il n’eut en effet ce gouvernement qu’en 1660, après la mort de Gaston, et que la commission qui lui fut donnée en 1654, à lui gouverneur alors de Guyenne, fut le produit d’une résolution subite, causée par l’importance des affaires qu’on voulait faire décider aux états, et par sa présence sur les lieus au retour du Roussillon. Ce temps arrivé, il ne parait pas que le prince ait appelé Molière aux états de Montpellier, ni dans cette ville, où il passa l’hiver de 1654 à 1655, et nous avons vu que, dans l’été de 1655, d’Assoucy trouva encore, heureusement pour lui, la troupe comique à Lyon. Il est fort possible pourtant qu’une négociation se soit entamée dès-lors entre le prince et le comédien, de Montpellier à Lyon, pour déterminer celui-ci à venir en Languedoc, aux états prochains, et lui promettre tout ce que Lagrange et Vinot nous apprennent qu’il