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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1138

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convaincus qu’en mettant sa conduite dans son jour véritable, le cabinet fera promptement disparaître et les illusions des partis et les incertitudes qui pourraient exister chez un certain nombre de ses amis. Il sera en mesure, nous le croyons, de démontrer qu’il n’a pas plus déserté la cause libérale en Suisse qu’en Italie, et qu’il s’est efforcé de lui rendre le plus grand de tous les services en la préservant des atteintes de l’absolutisme autrichien comme des périls suscités par les passions radicales. Jamais le grand jour de la tribune ne fut plus nécessaire, et jamais le pouvoir n’aura été plus intéressé à l’ouverture des débats parlementaires.

Une occasion naturelle et pour ainsi dire nécessaire se présente d’exercer cette action commune. La réponse de la diète à la note identique, réponse dont nous aimons d’ailleurs à reconnaître et à louer le ton mesuré, réclame une réplique sur divers points de fait et de droit. Les membres du corps diplomatique accrédités en Suisse et aujourd’hui dispersés par les événemens auront à se réunir pour la préparer et pour concerter une déclaration de principes qui fixe d’une manière précise la situation respective de la Suisse et de l’Europe l’une envers l’autre. Cela fait, un rôle d’observation pourra être avantageusement substitué à l’action proprement dite, pourvu qu’il soit bien entendu que l’on pourra toujours passer de l’un à l’autre, selon les circonstances et selon les influences qui viendraient à prévaloir au sein de la confédération elle-même.

L’excitation, chaque jour plus vive, de l’esprit public annonce l’approche de la session, et Paris reprend, avec son manteau d’hiver, sa physionomie politique. Au mouvement tantôt fébrile, tantôt factice, provoqué par la campagne culinaire, va succéder le mouvement régulier par lequel nos institutions vivent et fonctionnent. Après les harangues des banquets viendront les discours de tribune, et l’on parlera enfin plus sérieusement, parce que, placés en face de ses contradicteurs naturels, on devra aspirer désormais à des triomphes à la fois moins bruyans et moins faciles. L’époque qui précède l’ouverture des chambres est marquée d’ordinaire par un redoublement de conjectures, de bruits hasardés et de clameurs de journaux destinés à porter le trouble et l’incertitude dans les rangs de la majorité parlementaire. Ces manœuvres, auxquelles les premiers scrutins ne manquent jamais de couper court, se reproduisent cette année sous leurs formes habituelles : on parle de désaccord soudain survenu entre la couronne et le cabinet, de divisions intérieures dans le conseil ; on assigne à ces divisions des causes indignes des hommes politiques qu’on met en scène ; on répand à la bourse de Paris et à celle de Londres les bruits les plus alarmans, et l’on déploie enfin une verve d’invention qui, si elle ne sert pas aux spéculateurs politiques, est moins inutile à certains spéculateurs financiers.

Cette situation se prolongera pendant la quinzaine qui nous sépare encore de la séance royale, il pourra même se faire qu’elle se maintienne jusqu’aux premiers actes significatifs de la chambre. Il n’y a rien dans tout cela qui puisse être un sujet d’étonnement ou d’appréhension. Les partis ont le droit de faire de la stratégie comme les armées, et il est fort naturel qu’ils usent de tous leurs avantages. Quant à ceux qui tiennent à pénétrer le fond des choses, et qui veulent former des conjectures précises sur l’esprit et les résultats de la session qui se prépare, ils n’ont qu’à étudier, dans leurs élémens mêmes, l’état de la