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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1139

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chambre et du pays. Cette étude, on peut l’affirmer, suffira pour démontrer combien sont peu sérieuses et les passions qu’on affiche et les espérances qu’on affecte.

À l’ouverture de la session dernière, une seule pensée préoccupait les pouvoirs publics et paraissait devoir dominer les travaux parlementaires. La France était menacée d’une disette, et les conséquences d’une telle épreuve, en laissant entrevoir les embarras les plus graves, ouvraient des perspectives non moins sombres que nouvelles. Cette situation difficile a été traversée d’une manière plus heureuse qu’on ne pouvait raisonnablement s’y attendre ; les souffrances des populations, atténuées par une large dispensation du travail et une plus grande rapidité imprimée à notre machine administrative, l’ordre public et la liberté des transactions partout et toujours maintenus, ce sont là des services considérables rendus à la société, et dont il semblait juste de tenir compte au gouvernement. Pourtant la crise était à peine terminée, que le ministère voyait sinon son existence compromise, du moins son autorité affaiblie, et que la majorité se laissait entamer par une scission qu’il faudra bien appeler une intrigue, tant que les hommes qui l’ont provoquée n’auront pas plus nettement articulé leurs griefs, leur programme et leur plan de gouvernement. Le pouvoir, qui venait de doubler avec bonheur le plus redouté des écueils, semblait sur le point de sombrer dans une mer sans orage, par l’effet des voies d’eau auxquelles il n’avait pas pris garde, et, placé à la tête de la plus imposante majorité que le pays ait jamais donnée à la monarchie de 1830, le cabinet du 29 octobre était contraint de compter avec toutes les prétentions, de céder à tous les caprices, au point de subir en pleine session une mutilation non moins délicate que dangereuse.

Il y a, certes, dans ces faits-là de grandes leçons qui ne seront pas perdues cette année ; l’expérience a été assez décisive pour que chacun en fasse son profit. Le ministère, appuyé sur ses succès en Espagne et persuadé que la question des subsistances absorberait exclusivement l’attention publique, avait, à la session dernière, négligé de donner un aliment suffisant à l’activité d’esprit d’une majorité sortie toute fraîche émoulue du creuset électoral, et dont une grande partie abordait les affaires pour la première fois avec une confiance sinon superbe, du moins remuante. Les lenteurs imposées par nos formes réglementaires vinrent ajouter encore à ces périls de l’oisiveté, et le cabinet dut comprendre qu’on ne s’assure une majorité qu’en pesant incessamment sur elle, qu’en travaillant de concert à une œuvre laborieuse et difficile. Avec le caractère français, tout ce qu’il y a de plus dangereux pour le pouvoir, c’est de ne rien faire, et ses fautes sont bien moins périlleuses que son immobilité. Nous ne sommes pas sans doute, comme l’Angleterre, dans le cas de remanier nos institutions sociales et de bouleverser notre régime économique de fond en comble, nous n’avons pas, Dieu merci, de réparations à accorder à un peuple pour une oppression séculaire ; nous ne sommes donc pas en mesure de faire, à chaque session parlementaire, autant de choses nouvelles que peuvent en accomplir nos voisins : c’est l’honneur de notre révolution et de notre gouvernement d’avoir résolu les principales questions, et de n’avoir laissé aucun grand problème sans solution ; mais, dans un ordre secondaire, il nous reste assurément beaucoup à faire pour exercer l’initiative du pouvoir et l’activité des chambres. Il s’en faut que nos