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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/725

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« Elle ne pensait guère, déposant ses joyaux, — contemplés encore avec orgueil, — que c’étaient autant de legs au néant, ou, lorsqu’elle secoua ses robes éclatantes, qu’elle allait bientôt secouer de même ce vêtement de chair qui enserre l’être humain.

« Et venant à poser l’éteignoir sur la bougie enflammée, elle ne songeait guère, tandis que la fumée se dissipait, qu’elle allait, elle aussi, s’éteindre, et que sa vie s’allait perdre dans une nuit pleine de rêves, nuit d’une longueur inconnue ; — et, lorsqu’elle fit tomber son rideau, qu’une autre main, celle d’un squelette, fermait aussi sur elle le rideau de son drame achevé… »

Elle s’endort ; ses rêves l’entourent de visions dorées. Depuis les jouets de son enfance jusqu’à son anneau de fiancée, tout ce qu’elle a vu d’or briller autour d’elle et sur elle lui revient à l’esprit, éblouissant mirage. Puis elle s’éveille au bruit du tonnerre qui gronde, et voit luire au-dessus de sa tête, étincelant sous un éclair, sa jambe d’or dans la main du comte. Elle se soulève, elle s’écrie ; mais la massue improvisée retombe, avec un horrible bruit, sur la tête de la victime.

Nous savons tout ce qu’a de révoltant, pour certains esprits corrects, délicats et bien réglés, l’amalgame de ces facéties un peu grossières et des plus sérieuses pensées qui puissent préoccuper l’intelligence humaine. Il faut néanmoins tenir compte, en faveur de Hood, d’une circonstance atténuante. Ce mélange est au fond de toutes les plaisanteries primitives, de celles-là même dont la portée philosophique se révèle par leur durée, par leur puissance toujours la même, par leur action invariable sur les générations qui se succèdent. Après avoir doté la mort des plus sinistres attributs, l’imagination des hommes, par une réaction qui se conçoit, mais se définirait malaisément, s’est plu à la dépouiller de son horreur ; on s’est familiarisé avec le squelette inévitable, on a ri de sa faux toujours levée, de son dard fatal ; et depuis le moyen-âge, qui avait fait d’elle le coryphée d’un ballet satirique, la reine d’une mascarade funèbre, jusqu’à ces théâtres en plein vent où, de nos jours comme il y a cent ans, Pulcinella fait périr sous le bâton l’infortuné représentant de la justice humaine, la tragédie a eu son revers moqueur, le trépas a été parodié, la tombe a laissé sortir, de ses inscrutables profondeurs, je ne sais quels stridents éclats de rire. Comment et pourquoi ? Les philosophes l’expliqueront s’ils veulent ; mais il est certain que les choses vont ainsi, et que la poésie a joué de tout temps avec les os blanchis du cimetière comme avec les fleurs de la verte prairie.

Dans l’œuvre de Hood, ce contraste, cette antithèse, cette bravade, ce défi, se retrouvent à chaque page. Ici c’est la mort qui se promène, frappant à droite et à gauche, en véritable auteur comique, de façon à produire des effets burlesques[1]. Là c’est encore la mort, dans la forêt

  1. Death’s Ramble.-Poems of wit and humour, p. 177.