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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/850

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Dira-t-on, et on l’a dit, que les fonctions civiles, qu’on trouve unies à des fonctions sacerdotales, étaient le monopole des prêtres ? Mais souvent, très souvent, le nom de ceux qui exercent ces fonctions civiles ne sont accompagnés d’aucune désignation sacerdotale. Ainsi les prêtres égyptiens pouvaient être investis de diverses charges judiciaires, mais ces charges n’étaient pas exclusivement leur apanage, des laïques pouvaient en être revêtus. Le droit de rendre la justice n’était donc pas l’attribut spécial du sacerdoce ; on pouvait être juge, soit qu’on fût prêtre, soit qu’on ne le fût pas. Quoi de plus contraire à l’esprit exclusif des castes ? Nous-mêmes nous n’allons pas jusque-là, et notre ordre sacerdotal se sépare aujourd’hui des autres citoyens par une incapacité de rendre la justice qui ne l’en séparait pas en Égypte. Si le sacerdoce s’y accommodait de l’état militaire, il en était ainsi des conditions civiles : le même homme était chef des archers et intendant de l’Égypte méridionale, préposé aux constructions royales et chef des soldats étrangers.

S’il y avait, comme l’ont dit Bossuet et Meiners, s’il y avait des professions exclusives auxquelles on était voué en naissant, sans pouvoir en embrasser d’autres, ce ne sont point celles dont il est fait mention dans les inscriptions funéraires, car toutes celles-là pouvaient être associées à d’autres professions : le cumul était un fait très fréquent dans l’ancienne Égypte.

Au lieu de cette démarcation qu’on s’imagine généralement avoir existé entre les classes, la confusion entre elles a été poussée si loin, qu’on trouve des personnages qui ont été à la fois revêtus de fonctions sacerdotales, militaires et civiles. Ce mélange se présente plusieurs fois dans les tombes célèbres de Beni-Hassan.

Ceci est une première brèche faite à l’opinion que je combats. Je vais en ouvrir une seconde en établissant qu’il y avait alliance entre les diverses classes. On voit, en étudiant les inscriptions funéraires, qu’un militaire a épousé la fille d’un prêtre et réciproquement. Je trouverai tout à l’heure l’occasion de citer un exemple remarquable de ce genre d’alliance. En attendant, je ferai observer qu’il ne pouvait en être autrement d’après ce qui précède. L’éloignement des castes pour les alliances qu’elles auraient formées avec des individus nés hors de leur sein repose sur la séparation des professions diverses. Des prêtres ne veulent point se mêler par le sang à des guerriers, des prêtres à des profanes, des guerriers à des familles qu’ils méprisent parce qu’elles sont vouées aux arts de la paix ; mais là où les prêtres sont officiers et les officiers prêtres, comme il arrivait en Égypte, là où tous les deux exercent des professions civiles, il n’y a plus lieu à ce mépris et à cette antipathie qui font qu’on évite de s’unir. L’isolement des classes n’a plus de motif, quand les occupations de ces classes ne sont plus