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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/851

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séparées, de même qu’un noble qui aurait fait le commerce n’aurait pu croire se mésallier en donnant sa fille à un commerçant.

Enfin, le dernier argument qui me reste à produire contre l’opinion que je combats, c’est la démonstration de la non-hérédité des professions chez les anciens Égyptiens.

Sans doute il existait, et les monumens le prouvent, des familles dans lesquelles plusieurs membres de la famille étaient consacrés par une religion spéciale à telle ou telle divinité. Il y avait alors hérédité de la dévotion et souvent du sacerdoce paternels ; il y avait entre les frères communauté de dévotion et même de sacerdoce. Il faut reconnaître encore que l’on peut citer des exemples de la transmission héréditaire des fonctions militaires et civiles, et je pousserai la franchise jusqu’à en rapporter un qui est assez remarquable. Dans un des tombeaux qui entourent les pyramides, j’ai trouvé un intendant des bâtimens royaux sous Chéops, l’auteur de la grande pyramide, qui était fils d’un intendant des bâtimens royaux sous le même Pharaon ; mais des faits de ce genre ne prouvent point que les fonctions fussent toujours héréditaires, car des faits semblables se présentent dans les sociétés les plus éloignées du régime des castes. Il y a dans toutes une tendance naturelle et souvent injuste à ce que les emplois des pères passent à leurs enfans, et, à défaut d’enfans, aux neveux et aux cousins. Cet abus existe dans notre siècle, qui lui a appliqué un nom, le népotisme. L’indiscrétion des hiéroglyphes nous a montré qu’il date du roi Chéops et qu’il est aussi ancien que les pyramides.

Que l’on ait hérité quelquefois de l’emploi de son père, et peut-être sans en être digne, ce n’est donc point un fait particulier à la société égyptienne ; c’est un fait de tous les temps, duquel on ne peut rien conclure, tandis que de cet autre fait qui me reste à établir, savoir, que souvent les emplois n’étaient pas héréditaires, il ressort nécessairement que cette société n’était pas soumise au privilège des castes, principe dont l’essence est d’être absolu, et qui ne peut exister là où l’hérédité des professions n’est pas un usage invariable et constant.

Or, si nous en croyons les monumens, l’hérédité des professions n’était ni une coutume universelle ni une loi rigoureuse, comme le veut Meiners. Les fonctions religieuses, militaires, civiles, ne sont point nécessairement héréditaires. Un guerrier a pour fils un prêtre, un prêtre a pour fils un guerrier. Il n’est pas rare non plus qu’un fonctionnaire civil ait pour fils un fonctionnaire religieux ou militaire. Enfin, ce qui achève de ruiner l’hypothèse des professions exclusives auxquelles eussent été vouées les diverses familles, et par suite les diverses castes, c’est de trouver que dans la même famille les fils des mêmes parens sont les uns de condition sacerdotale, les autres de condition militaire, les autres de condition civile. Je pourrais citer de ce fait un grand