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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/1034

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anciens de la maison de Habsbourg, l’installation de François-Joseph, complètent ce changement mémorable qui s’annonce, dans la conduite des affaires autrichiennes, depuis la victoire définitive de la monarchie sur l’émeute. « Convaincu de la haute valeur d’institutions libérales, nous sommes prêt, dit textuellement le prince, à admettre les représentans de la nation au partage de nos droits. » Ce n’est pas là le langage de la faiblesse, car le nouveau César se déclare en même temps « résolu à maintenir les droits de la couronne et l’intégrité de l’empire. » Ce n’est pas une condition imposée, c’est une inspiration légitime de l’esprit du temps. François-Joseph est le fils de l’archiduchesse Sophie, l’élève de M. de Bombelles : on ne pouvait pas lui refaire ses origines ; mais qu’est-ce que des souvenirs d’enfance contre le solennel engagement de la politique dont il devient le symbole ? Cette politique est aujourd’hui nettement dessinée par la situation des personnes qui l’inaugurent. Il ne s’agit plus de lutte ouverte ou sourde entre la révolution et la contre-révolution ; il s’agit d’organiser un grand état. Cette lutte qui a fait le malheur de M. de Wessenberg, l’impuissance et l’immobilité de Ferdinand, ne peut plus se rencontrer entre le jeune empereur et son énergique ministère. Le cabinet d’Olmütz est donc à même d’entreprendre la tâche patriotique qui lui est dévolue. Cette Autriche qui vient de se sentir une et compacte jusque dans la diversité de ses élémens, il faut la constituer de manière à ce que la diversité n’y étouffe pas sous une unité factice. Le problème impossible à vaincre pour l’absolutisme ne saurait être insoluble avec la liberté.

Le problème prussien, moins épineux en soi, puisque les questions de race n’y viennent pas compliquer les embarras politiques, présente cependant des difficultés plus intimes, des difficultés de relations et de personnes qui l’ont singulièrement embrouillé. On n’a point en Prusse à surveiller un Jellachih pour l’empêcher de s’aigrir contre un Windischgraetz et de se tourner en roi de Croatie. La question à Berlin est de savoir comment faire vivre ensemble une royauté et une assemblée également animées de l’esprit prussien, un esprit de raideur, de chicane, d’inflexible entêtement sur les petites choses et d’orgueilleuse pointillerie sur les grandes. L’épreuve de 1847 ne s’était déjà point terminée par un dénouement favorable ; l’assemblée de 1848 n’a pas mieux abouti. Malgré sa qualité de constituante, le roi s’est enfin résolu à la dissoudre, et il a donné, de son chef, cette constitution qu’on ne pouvait réussir à rédiger en commun. Voilà, pourrait-on penser, un terrible coup d’état, et la liberté sans doute est bien malade. Oui, si le beau de la politique n’était pas, à Berlin, d’aiguiser contradictions sur contradictions, car ce coup d’état n’est en somme à autre fin que de proclamer tout de suite la liberté comme en Belgique : la charte belge décrétée par ukase russe, c’est la façon de concilier les choses, quand il y a de part et d’autre, comme en Prusse, des points d’honneur mal entendus et des caractères opiniâtres.

Sérieusement n’est-ce pas un trait bien remarquable de l’époque ? Le roi Frédéric-Guillaume est maître dans sa capitale. Sa capitale, dégoûtée du joug des démagogues, accepte avec reconnaissance l’autorité militaire du général Wrangel ; la malice indigène, le witz national, commence à user de représailles contre les révolutionnaires, dont les grimaces sérieuses lui ont fait concurrence. Les radicaux, dont la misère a été mise à nu par le prétendu congrès démocratique, se divisent encore et se déchirent à Breslau. L’assemblée jouant à cache-cache avec