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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/167

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quelques explications dernières. Si un affreux désastre a terminé la guerre de l’indépendance italienne, ce n’est point, je le répète, le courage des populations qu’il en faut accuser : il faut s’en prendre à quelques hommes dont il est plus facile de constater les actes que d’apprécier les intentions. La question est si délicate, que, tout en m’abstenant de la résoudre, je dois rapporter la justification des accusés telle que la présentent leurs amis les plus fidèles.

Je voudrais me placer à distance, me dépouiller de toute passion politique, et n’adopter les griefs d’aucun parti. Ce qu’il faut reconnaître avant tout, c’est que les fautes du gouvernement provisoire ont créé de graves embarras au pouvoir qui lui a succédé. L’héritage de ce gouvernement, qui avait porté le désordre et la ruine dans toutes les branches de l’administration, ne pouvait être que fort onéreux pour le général Olivieri. Il est donc de toute justice qu’une grande part de la responsabilité de nos derniers malheurs pèse sur ceux qui ont jeté dans la population les premiers germes de discorde et de défiance. Quant aux accusations portées contre le roi Charles-Albert, le récit qu’on vient de lire ne les aura que trop indiquées ; mais il faut convenir que les argumens présentés en faveur du roi de Sardaigne méritent aussi quelque attention. A ceux qui expliquent la conduite du roi par la défiance que lui auraient inspirée les opinions démocratiques des Lombards, à ceux qui ne craignent pas de prononcer le mot de trahison, les défenseurs de Charles-Albert opposent des explications qui ont assurément leur valeur. Quelles que pussent être les craintes inspirées à Charles-Albert par les tendances démocratiques des Lombards, est-il vraisemblable qu’il eût préféré trahir les Milanais plutôt que de chercher à combattre ces dispositions inquiétantes ? Ne faut-il pas aujourd’hui beaucoup de courage pour tenter une trahison, et les dangers auxquels on s’expose en trahissant ne sont-ils pas les plus grands de tous ? Si le roi de Piémont n’a pas éloigné ses généraux, s’il n’a pas suivi un plan d’attaque plus énergique, c’est son caractère faible et irrésolu qu’il faut accuser, et, en dernier lieu, s’il a capitulé ; c’est que les intentions des Milanais ne lui avaient pas été présentées sous leur vrai jour ; c’est qu’il ne croyait pas le peuple disposé à se battre ; c’est surtout qu’il avait peu de confiance dans le succès de ses efforts, et qu’il redoutait pour Milan le courroux du vainqueur entrant à la tête d’une soldatesque effrénée dans une ville prise d’assaut. Les partisans de Charles-Albert font ensuite valoir un argument auquel il n’est pas facile de répondre : c’est la haine que l’Autriche ne cesse de témoigner au roi de Piémont ; l’Autriche serait même résolue à ne pas céder un pouce du territoire que Charles-Albert aurait conquis sur elle, et que, par une malheureuse extension de la signification du mot armistice, il vient de lui rendre.