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explication, un silence approbateur et des demi-révélations assez concordantes. Comment le public ne se serait-il point mépris ? Il en coûte presque de détruire une version si bien conçue, si naturelle, si bien suivie dans ses moindres détails, si long-temps soutenue et si peu contredite ? Il semble qu’elle ait acquis des droits au respect et une sorte d’inviolabilité ; mais les faits ont souvent cette impolitesse de contrarier étrangement les inductions les mieux fondées. Nous avons dit le roman, voyons maintenant l’histoire. L’histoire a bien aussi son attrait. Le simple exposé des faits démontrera que rien n’est moins fondé que l’opinion qui a voulu voir dans le traité de la quadruple alliance une combinaison libérale préparée de longue main par l’influence de la France et de l’Angleterre. Voici ce que M. de Rigny, ministre des affaires étrangères en 1834, écrivait à M. de Rayneval, notre ambassadeur à Madrid, quatre jours avant la signature définitive du traité.


« Paris, 18 avril 1834.

« Nous n’avons pas appris sans une vive surprise la prompte issue des négociations entamées par M. Fiorida-Bianca avec le gouvernement britannique et l’envoyé portugais M. Sarmento. Un traité auquel, il y a trois jours, il ne manquait plus que la signature, stipule que la reine catholique et la reine très fidèle uniront leurs forces pour expulser de la Péninsule don Carlos et don Miguel, et que l’Angleterre, dans le but d’appuyer cette entreprise, enverra des vaisseaux sur les côtes du Portugal. On avait d’abord voulu nous réserver simplement la faculté d’accéder à ce traité par un acte séparé. M. de Talleyrand ayant représenté que nous ne pouvions accepter une attitude aussi secondaire, on nous a offert d’y prendre une part plus directe en apparence, au moyen de dispositions insérées dans le corps du traité, lesquelles porteraient en substance qu’en considération de notre union intime avec l’Angleterre, nous avons été invités à entrer dans cette alliance, que nous y avons consenti, et que, s’il y avait lieu, nous accorderions, pour l’expulsion des deux prétendans, la coopération dont on tomberait d’accord. Vous voyez qu’en réalité le second projet diffère peu du premier, et qu’il ne prête guère moins à l’objection élevée par notre ambassadeur, puisqu’il nous représente comme n’intervenant dans l’arrangement en question que sous les auspices de l’Angleterre.

« J’ai écrit à M. de Talleyrand pour l’engager à présenter un contre-projet, d’après lequel les parties contractantes seraient placées dans une position moins inégale ; dans le cas où il ne serait point adopté, le conseil délibérerait sur le parti que nous aurions à prendre… »

Dans une seconde dépêche, postérieure de six jours à la précédente, M. de Rigny annonçait en ces termes, à M. de Rayneval, l’issue des négociations :


« 24 avril 1834.

« … Le traité dont je vous entretenais par ma dépêche du 18 a été signé avant-hier, et M. de Talleyrand vous en envoie directement une copie ; vous y verrez qu’il a été fait droit à nos objections contre la rédaction du projet qui nous avait d’abord été soumis… »