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Aux détails contenus dans ces deux dépêches, nous devons ajouter que les modifications obtenues par la France ne le furent point sans de très grandes difficultés, provenant uniquement du fait du secrétaire d’état de sa majesté britannique, qui, soit de dessein prémédité, soit pour ne pas sembler contraint de revenir sur ses pas, s’opiniâtrait à ne pas admettre la France à traiter avec l’Angleterre, sur un pied d’égalité, des affaires de Portugal. Il écrivit même sur ce sujet à M. de Talleyrand un billet d’une extrême vivacité, et qu’il est inutile de donner ici. La dépêche suivante, de M. de Rayneval, prouve d’ailleurs surabondamment que le gouvernement français ne s’était pas trompé en attribuant à l’Angleterre seule ce qu’avaient de désagréable pour la France la marche imprimée d’abord à la négociation, les efforts faits pour l’en tenir éloignée, et, plus tard, pour lui assigner un rôle indigne d’elle.


« Aranjuez, 2 juin 1834.

Je me suis empressé de voir M. Martinez de la Rosa. Il était loin de s’attendre à un dénoûment aussi prompt de la négociation entamée par M. de Florida-Bianca. Il m’a confirmé ce que vous présumiez, que ce ministre avait été au-delà de ses instructions, ou pour mieux dire, qu’il avait agi sans instructions et même sans pouvoirs. Il a été lui-même surpris de la facilité inattendue du gouvernement britannique. C était, pour ainsi dire, pour l’acquit de sa conscience qu’il lui avait adressé la note dont la traduction était jointe à vos dépêches. Il me parait certain que ce n’est pas de propos délibéré, moins encore par suite des instructions de son gouvernement qu’il a suivi, en ce qui concerne la France, la marche que vous lui reprochez. Il ne faut, je crois, y voir qu’une preuve de son inexpérience. Il aura obéi sans réflexion à l’impulsion que l’envoyé portugais ou même le cabinet anglais lui auront donnée. Votre excellence ne peut ignorer ce que j’ai mandé diverses fois du peu d’empressement de l’Angleterre à nous admettre comme partie dans les transactions relatives au Portugal, et en dernier lieu, elle aura remarqué l’excès de réserve que M. de Sarmento a gardé envers moi à son début. »

Mais l’Espagne n’a pas été le seul théâtre où les deux politiques se sont heurtées avant 1840, et l’épisode que nous venons de raconter n’est pas le seul qui avait déjà pu nous faire ouvrir les yeux sur les dispositions secrètes de lord Palmerston. Une portion du public français s’est toujours obstinée à considérer le ministre des affaires étrangères du cabinet whig comme le patron des idées libérales en Europe, traînant péniblement dans cette voie le cabinet français à sa remorque. Combien d’excellens patriotes ont, chez nous, pris ouvertement parti contre leur gouvernement, afin de mieux seconder au dehors les desseins d’un promoteur si constant et si résolu de l’affranchissement immédiat des peuples ! A leur point de vue, ces patriotes ont-ils eu raison ? Cela dépend des lieux et des dates. Le ministre anglais, convaincu de la force qu’un concours aussi inattendu prêtait aux intérêts de sa nation, ne