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qui se manifestèrent, en effet, à la fin de 1810, pour retomber sur l’année suivante.

Il en fut de même par rapport à la crise de 1819, précédée et accompagnée de circonstances absolument pareilles. Voici les résultats des cinq années depuis 1815 :


Années Effets escomptés Produits
1815 203,565,000 fr. 1,278,400 fr.
1816 419,996,000 3,203,600
1817 547,451,000 4,608,300
1818 615,999,000 4,848,200
1819 387,429,000 2,692,100

Ici encore on voit la somme totale des escomptes grossir d’année en année, et s’élever à un chiffre exceptionnel dans l’année même qui précède ou qui détermine la crise. Le maximum et le minimum des effets en portefeuille s’élèvent également, aussi bien que les produits, qui, de 1,278,400 f. en 1815, arrivent progressivement au chiffre de 4,848,200 f. en 1818. Mêmes résultats par rapport à la crise de 1825-26, survenue après dix ans de paix. Le total des escomptes, qui avait été, en 1821, de 384,645,000 fr., s’éleva, en 1824, à 489,346,000 fr., et en 1825, année même où les embarras commencèrent à se manifester, à 638,249,000 fr. Ainsi, chaque fois les escomptes de la Banque grossissent d’une manière inusitée, ses bénéfices s’élèvent dans la même proportion, et ce double résultat, en apparence si favorable, est le présage certain d’un prochain désastre.

A voir la coïncidence invariable des mêmes faits, il n’est guère permis de se méprendre sur la véritable cause de ces perturbations. C’est bien évidemment à l’augmentation inusitée des escomptes de la Banque que le désordre se rattache : on verra d’ailleurs ces inductions confirmées par des exemples pris hors de notre pays. Est-ce à dire pour cela que l’extension des crédits accordés au commerce soit par elle-même un mal ? Il n’est pas permis de le croire quand on a observé avec quelque attention ce qui se passe là où le commerce de banque est libre, et d’ailleurs, cela répugne à la raison. Non : cette extension des crédits n’a par elle-même que de salutaires effets. C’est le monopole seul qui engendre ici l’abus en créant une position doublement fausse : fausse pour les capitalistes, qu’il met dans l’impossibilité d’utiliser régulièrement leurs capitaux ; fausse encore pour la Banque, qu’il induit à n’opérer plus qu’avec les capitaux d’autrui. Otez ce principe de désordre en proclamant hautement la liberté des banques, et il ne restera plus de l’usage du crédit que ses bienfaits.