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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/467

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IV. – LES CRISES COMMERCIALES EN ANGLETERRE.

En Angleterre, où le crédit et les banques ont joué depuis long-temps un si grand rôle, on compte par centaines, sinon par milliers, les écrits publiés sur cette importante matière. Et comme les vices inhérens au système anglais ont malheureusement engendré bien des crises, l’étude de ces phénomènes y occupe naturellement une large place. Parmi les plus récens de ces écrits, on distingue ceux de MM. Ch. Tooke, Lloyd, du colonel Torrens, et particulièrement celui de M. J. Wilson, rédacteur de l’Economist et membre du parlement[1]. Quel que soit pourtant le mérite de plusieurs de ces écrits, où l’on rencontre souvent des vues ingénieuses et quelquefois des réflexions profondes, j’ose dire que les auteurs se sont presque toujours égarés, non faute de savoir, mais plutôt par une trop grande subtilité dans leurs recherches. Leur principal tort est peut-être de trop s’appesantir sur les circonstances particulières des crises commerciales, sans en étudier assez le caractère général et dominant, de les considérer dans leurs diversités plutôt que dans leurs ressemblances, et par conséquent de s’arrêter presque toujours aux causes immédiates ou secondaires qui les déterminent, au lieu de remonter à la cause primordiale qui les engendre. Un écrivain américain, M. H.-C. Carey, de Philadelphie, déjà connu par d’excellens ouvrages, me paraît avoir été, à cet égard, plus heureux que les écrivains anglais[2]. Peut-être aussi que ces derniers, placés trop près des événemens et mieux posés pour en saisir les détails, n’ont pu, par la même raison, embrasser aussi facilement l’ensemble.

Déjà, dès l’année 1838, M. H.-C. Carey avait montré clairement la cause première de ces perturbations, dont le retour est presque périodique. Cette cause, on le comprend, n’est pas différente en Angleterre de ce qu’elle est en France, et c’est tout simple, puisque le régime des deux pays est le même, sauf toutefois que la banque privilégiée de Londres opère sur une bien plus grande échelle que la Banque de France, et qu’elle rencontre un plus grand nombre d’institutions secondaires dans les provinces. On va voir que les faits et les chiffres ne sont pas moins significatifs de l’autre côté du détroit que de ce côté-ci ; mais, pour rendre ces faits et ces chiffres encore plus concluans, il faut y ajouter un élément de plus. Malgré les indications si claires de l’expérience, un grand nombre d’hommes s’obstinent, en Angleterre, à voir la cause première du mal dans l’abus des émissions de billets qui, à certaines époques, excéderaient les justes bornes et viendraient jeter le trouble dans

  1. Capital, Currency and Banking. — London, 1847.
  2. The Credit System in France, Great Britain, and the United States. — By H.-C. Carey. Philadelphia, 1838.