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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/911

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en ami et non point en maître, et, pour témoignage de ses intentions pacifiques, il fit soumettre scrupuleusement les troupes aux obligations de la quarantaine placée sur le Danube. Esprit honnête, bien dirigé, muni d’instructions conciliantes, il sut gagner la confiance des patriotes et leur donner de sages conseils. Le gouvernement provisoire, sorti avec avantage des difficultés d’une longue crise et de dangereuses tentatives de réaction salariées par la boyarie fanariote, fonctionnait avec gêne. Au lieu de ce nom et de cette organisation qui révélaient des inspirations républicaines et françaises, Suleyman demanda au pouvoir de se constituer sous une forme moins éloignée de l’ancienne. Le gouvernement provisoire se transforma donc en une lieutenance princière composée de trois membres élus par le peuple de Bucharest, le poète Éliade, le général Tell et Nicolas Golesco, déjà membres de la précédente administration révolutionnaire.

Il semblait que la Turquie s’étudiât à pacifier amicalement et à enlever aux Russes, par un système de compromis, tout prétexte de prolonger l’occupation ; mais les Valaques réclamaient avec instance, à Constantinople, l’adhésion du sultan au nouvel ordre de choses et la reconnaissance officielle de leur constitution. C’en était plus qu’il ne fallait pour irriter la susceptibilité des Russes. Ceux-ci voyaient dans la conduite de Suleyman-Pacha une sorte d’encouragement donné au parti révolutionnaire, l’intention de le couvrir d’une tolérance calculée ; ils en vinrent même à déclarer qu’ils y découvraient un acte d’hostilité contre la Russie, et demandèrent à la fois le désaveu du pacha suspect de complaisance pour la révolution valaque et le rétablissement immédiat de l’ancien ordre de choses, prince et règlement. Un nouveau corps d’armée entrait en même temps en Moldavie.

La Turquie ayant renoncé à tout emploi de la force contre le protectorat, et inquiétée par lui jusque dans ces timides essais de conciliation, en fut réduite à reculer de nouveau, et à frapper d’un désaveu la politique équitable de Suleyman. Suleyman-Pacha fut remplacé par Fuad-Effendi, homme éclairé, mais de caractère incertain, désigné indirectement par la Russie. Et de ce jour, en effet, les événemens ont suivi une marche plus conforme aux vœux de la puissance protectrice ; les révolutionnaires valaques ont dû peu à peu reculer et se retirer devant les troupes de la puissance suzeraine. A peine Fuad-Effendi avait-il abordé le territoire roumain, que le général Duhamel, commissaire impérial dans les principautés, s’attachait à ses pas, l’enlaçait dans les trames de raisonnemens captieux, pesait sur son intelligence de tout le poids des argumens développés dans le manifeste de l’empereur, et appuyés par quarante mille hommes campés au nord et à l’ouest de la principauté. L’armée ottomane s’avança, de son côté, jusqu’aux barrières de Bucharest, ville ouverte, située au milieu d’une vaste