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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1001

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BELLAH.[1]

V.


Sire, ne chevauche plus avant ; retourne, car tu es trahi. (Ancienne chronique.


Ce terrible fardeau de la vie ne semble-t-il pas léger à porter, quand, au soleil du matin, sous un ciel profond et pur, on se met en marche, à pied ou à cheval, le long des haies fleuries ou en vue d’horizons bleuâtres, la poitrine pleine d’un air frais comme la rosée ?

Dans ce premier instant de rajeunissement et de bien-être, avec toute la vivacité des organes reposés, on éprouve comme une révélation lumineuse du bienfait de l’existence ; on s’étonne de l’avoir méconnu, en contemplant le cadre enchanteur dans lequel Dieu l’a placé ; on se réjouit d’être né. Passe un homme qui vous parle du cours de la rente ou des élections, le charme est rompu ; la création divine est gâtée.

La sérénité de ces sensations irréfléchies se peignait sur le visage de nos voyageurs. Hervé et le vieux garde-chasse avaient seuls le front soucieux. Hervé marchait quelques pas en avant, cherchant à mettre un peu d’ordre dans sa conscience émue et dans son esprit tourmenté. Après ce qui s’était passé, il ne pouvait plus lui rester de doute que sur la nature de la perfidie dont il était le jouet. Son droit, son devoir même était de refuser une plus longue protection à celles qui abusaient si clairement de sa bonne foi ; chaque pas qu’il faisait le rendait complice d’une trahison inconnue, mais certaine. D’un autre côté, inter-

  1. Voyez la première partie dans la livraison du 1er mars.