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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/1023

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BELLAH.

ous vous arrogez ! Je dois te rappeler, citoyen commissaire, qu’il y a in point où la surveillance la plus légitime dépasse son but et change le nom.

— En sommes-nous déjà là ? dit le représentant d’une voix creuse ît lente : explique-toi, citoyen ; si tu n’as voulu que me faire une offense personnelle, je ne suis pas de ceux qu’elles peuvent détourner de Leur devoir public ; mais si c’est au pouvoir de la convention que tu prétends assigner des bornes, dis-le : si c’est à la convention que s’adressent l’insulte et la menace, encore une fois, dis-le ; il est bon que je le sache, avant d’ajouter une parole.

Le front contracté du général, le frémissement passager qui agita ses lèvres, indiquèrent qu’il ne subissait pas sans un effort pénible le joug qu’appesantissait sur sa tête victorieuse la lourde main du conventionnel. Il se leva enfin, et reprit avec un sourire contraint : — J’aimerais assez, je l’avoue, à être comme le charbonnier, maître dans ma maison. Au reste, si un premier mouvement, excusable peut-être. m’a fait oublier le respect que je dois à la convention et à tous ceux qui sont marqués de son caractère souverain, je le regrette. — Tu sembles avoir fait une longue route, citoyen ; m’apportes-tu des ordres ?

— Non, mais des nouvelles.

— Et de quelle nature ?

— Je dirais qu’elles sont bonnes, si je les jugeais au point de vue étroit de mon orgueil, car elles confirment toutes mes prévisions, elles justifient tous mes avertissemens mal écoutés. Tu as de grands talens, citoyen général ; mais tu es jeune. Les époques révolutionnaires ne sont pas celles des illusions chevaleresques. Les couronnes civiques ne sont point tressées par la main des femmes. Ton ame est grande, je le répète, mais elle est trop sensible aux flatteries d’une popularité trompeuse. Celui qui met la main à la besogne révolutionnaire doit se résigner à voir son nom maudit, pourvu que son œuvre soit bonne. Tu n’as pas voulu m’entendre ; tu as voulu traiter où il fallait combattre, guérir où il fallait couper ; je t’ai dit alors que toutes tes paroles de conciliation, toutes tes concessions et toutes tes grâces n’étaient que des semences d’ingratitude et de trahison : aujourd’hui je t’annonce que la moisson est levée.

— C’est-à-dire, je suppose, répondit le jeune général, qui avait paru réprimer avec peine son impatience pendant la tirade du sombre républicain, c’est-à-dire que la pacification est rompue.

— Ouvertement et audacieusement.

— Et est-ce moi qu’on en accuse, citoyen représentant ? Ose-t-on s’en prendre au système de modération et d’humanité que j’ai voulu introduire dans cette malheureuse guerre ? Ai-je été secondé ? ai-je