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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/325

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du lieutenant Walpole, l’un des fils de cette Angleterre si connue par sa fougue abolitioniste. Pour n’être pas banales, il faut reconnaître qu’elles ne manquent pas de justesse.

La description succède brusquement à la discussion. Qui n’a pas vu Rio-Janeiro des sommets du Cocovardo ne connaît pas cette ville. Aux pieds du spectateur s’étendent et la cité immense et la baie, qui embrasse des milliers d’îles, et dont une ligne d’un bleu foncé indique la profondeur même aux bords du rivage. Sur la droite, la rivière de Janeiro coule au milieu d’une vaste plaine, et va perdre ses méandres hors de la portée du regard ; puis, sur l’autre côté de la baie, la montagne des Orgues élève dans un ciel serein ses dentelures de cobalt, ses pics pointus réunis comme les tuyaux de l’instrument religieux qui leur donne son nom, tandis qu’à leur base se déploie une rangée de collines semblables à un clavier gigantesque sous la main de l’Éternel. Plus loin, la pleine mer, tachetée de voiles blanches, laisse apercevoir le cap Frio, baigné dans la brume de l’horizon. Il faut voir Rio-Janeiro du haut du Cocovardo avant de lui dire adieu.

Le Collingwood mêle à présent ses voiles à celles de la pleine mer, la proue sur les îles Falkland, que nous appelons les Malouines ; le cap Horn est doublé en vingt-quatre jours. Bientôt deux pics qui percent les nuages indiquent le voisinage des Andes. Le vaisseau jette l’ancre dans la baie de Valparaiso. D’où vient à la baie ce nom de vallée du paradis, s’il est vrai, comme l’assure le noble voyageur, que le premier aspect en est fort triste ? Est-ce là un nom imposé par Pedro de Valparaiso en Castille ? est-ce une antiphrase ? Peu importe. Le Collingwood doit se reposer dans la baie de Valparaiso.

Il n’est personne qui, en visitant les ports d"Amérique, n’ait rencontré autour des grandes villes, comme contraste aux sauvages habitans des campagnes, une de ces joyeuses cavalcades de midshipmen (aspirans) au teint blanc et rose en dépit du hâle de la mer, étudiant, au galop, de leurs chevaux de louage, des sites qu’ils étaient impatiens de visiter. C’est une de ces cavalcades qui offre au lieutenant du Collingwood l’occasion de rendre hommage à l’aménité des mœurs chiliennes. Cette aménité est, au reste, un trait distinctif de la race espagnole en Amérique. Une mère entourée de ses cinq filles reçoit les jeunes officiers du Collingwood avec une amabilité parfaite dans l’une des plus riantes habitations de la côte du Chili. M. Walpole décrit avec charme cette réception cordiale. Les excursions aux environs de Valparaiso se multiplient. Dans une de ces promenades, les officiers anglais arrivent à découvrir un des aspects les plus solennels de la nature américaine. La Cordillière se déroule tout d’un coup à leurs yeux. La neige couvre ses croupes majestueuses et blanchit le sommet de ses pics aigus. Au-dessus de ces dentelures, dont les nuages colorés par le couchant atteignent