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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/690

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ou compliqué et ne lui laissant faire que ce qui est purement mécanique, présenter, par exemple ; un billot à la roue ingénieuse qui doit y tailler une poulie ou rattacher les fils brisés pendant, que la mule-jenny va et vient comme une ouvrière habile et diligente. Quand j’eus assez admiré tout cela, je pris le chemin de fer, et en deux heures me voilà à Kenilworth, en présence d’un des plus grands, d’un des plus beaux débris du moyen-âge, parmi les gigantesques ruines du château de Leicester tout plein des souvenirs historiques d’Élisabeth, et des souvenirs romanesques de la pauvre Amy Robsart, à plusieurs siècles de la mule-jenny et de la vapeur, bien que je n’en fusse qu’à quelques lieues. Un quart d’heure de plus, et le chemin de fer me conduisit à Warwick : c’était encore un château du moyen-âge, empreint de toute la grandeur de la féodalité ; mais ici le moyen-âge était debout, le château n’est pas en ruines, il est habité. Ces tours tapissées de lierre ; ces murs massifs et crénelés abritent les meubles les plus précieux et les tableaux des plus grands maîtres. Entre deux chefs-d’œuvre, on s’approche de la fenêtre, et l’on voit que le château, entouré d’un parc magnifique, est suspendu au sommet d’un rocher pittoresque, au-dessus du cours charmant de l’Avon, qui, à quelques lieues de là, vit naître Shakspeare ; dans cette serre qu’on aperçoit là-bas est le plus grand vase antique, le fameux vase de Warwick. Tout cela est réuni, art, nature, souvenirs, antiquités, et tout cela est à une heure et demie des prodiges industriels de Birmingham.

Le même jour, on peut voir ce Sheffield, le Saint-Étienne de l’Angleterre, York et Lincoln avec leurs superbes cathédrales. Après s’être promené sous les beaux ombrages de Durham, avoir vu la paisible ville épiscopale élever au-dessus du feuillage les tours d’une église si curieuse par son architecture de différens âges, on peut visiter Newcastle, le grand magasin de charbon de terre, son curieux musée géologique, le pont colossal qu’elle élève en ce moment à travers les airs, et finir la journée à Édimbourg, sous les arceaux brisés d’Holyrood, dans la chambre à coucher de Marie Stuart. S’il vous reste deux heures, vous pourrez visiter Abbotsford, le château créé et immortalisé par Walter Scott, qui l’appelait son meilleur roman ; — saluer sa tombe, poétiquement placée sous une arcade solitaire de l’abbaye en ruine de Dreyburg, vous asseoir sur une pierre où il avait coutume de s’asseoir parmi les débris de l’incomparable Melrose, ou suivre sa poésie à travers les singuliers ornemens des colonnes de la chapelle de Roslin.

Le moyen-âge et les monumens qu’il a enfantés sont donc toujours à côtés du temps présent et de l’activité industrielle qui le caractérise : cette opposition a son charme ; mais il faut avouer qu’il y a aussi un grand charme en Espagne à oublier entièrement le présent, à se transporter