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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/713

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Rome, dont la monotonie et le calme convenaient à son caractère et à la nature de son génie. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il ait reçu avec une sorte d’effroi les premières offres qui lui furent faites d’aller à Paris. Il écrivait, le 15 janvier 1638, à M. de Chantelou, qui avait été chargé de faire les premières ouvertures : « Pour la résolution que monseigneur de Noyers désire savoir de moi, il ne faut pas s’imaginer que je n’aie été en grandissime doute de ce que je dois répondre ; car, après avoir demeuré l’espace de quinze ans entiers dans ce pays-ci, assez heureusement, mêmement m’y étant marié et étant dans l’espérance d’y mourir, j’avois conclu en moi-même de suivre le dire italien : Chi’ sta bene non si muove ! » Il ajoutait : « J’ai été fortement ébranlé par une note de M. de Chantelou, mêmement je me suis résolu de suivre le parti que l’on m’offre, principalement parce que j’aurai par-delà meilleure commodité de vous servir, monsieur ; vous à qui je serai toute ma vie étroitement obligé. Je vous supplie, s’il se présentoit la moindre difficulté à l’accomplissement de notre affaire, de la laisser aller à qui la désire plus que moi… Ce qui me fait promettre est en grande partie pour montrer que je suis obéissant ; mais cependant je mettrai ma vie et ma santé en compromis par la grande difficulté qu’il y a à voyager maintenant… Mais enfin je remettrai tout entre les mains de Dieu et entre les vôtres. »

On voit avec quelle peine Poussin se décida à venir en France. Il n’avait sans doute pas oublié les douze pénibles années qu’il avait passées à Paris, et il prévoyait probablement qu’on ne pouvait s’y soutenir et y garder son rang que par mille intrigues et la perte de tout repos ; mais le roi était décidément las de Vouet : il nomma Poussin l’un de ses peintres ordinaires, et le pressa lui-même de venir occuper son poste dans une lettre que Félibien nous a conservée[1]. Il était d’ailleurs difficile de résister aux instances de M. de Noyers et aux propositions précises et honorables qu’il faisait à Poussin. « Je vous fais écrire et je vous confirme par celle-ci, qui vous servira, de première assurance de la promesse que l’on vous a faite, jusqu’à ce qu’à votre arrivée je vous mette en mains les brevets et les expéditions du roi. Je vous enverrai 1,000 écus pour les frais de votre voyage ; je vous ferai donner 1,000 écus de gages pour chacun an, un logement commode dans la maison du roi, soit au Louvre, à Paris, soit à Fontainebleau, à votre choix ; je vous le ferai meubler honnêtement pour la première fois que vous y logerez, si vous voulez, cela étant à votre choix. Je vous confirme que vous ne peindrez point en plafond ni en voûte, et que vous ne serez engagé que cinq années, ainsi que vous le désirez, bien que

  1. Louis XIII au sieur Poussin. Correspondance, p. 4.