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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/757

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exécutif était d’accord avec ses coopérateurs ; nous volons parler de l’abattage des arbres de la liberté. Où a-t-on surpris dans l’action du pouvoir le moindre tiraillement ? Personne a-t-il semblé vouloir transiger avec l’émeute ? Personne a-t-il songé à se faire une popularité de mauvais aloi ?

Nous ne croyons pas qu’aucun de ceux qui ont planté les arbres de la liberté ait pu se dire :

Mes arrière-neveux me devront cet ombrage

Ce sont des arbres malheureux et qui n’inspirent aucune idée de calme et de repos. Plantés dans des jours d’orage, c’est dans des jours d’orage aussi qu’on les arrache. D’où est venu le trouble qu’a causé leur abattage ? Il y avait de ces arbres qui gênaient la circulation et d’autres qui étaient morts. La voirie s’était chargée de les abattre, car c’était une pure question de voirie. Les lenteurs de l’exécution ont fait que les passions politiques se sont mêlées de l’affaire. Les troubles qui ont eu lieu ont révélé le véritable esprit de la population, et nous voulons constater cet état des esprits en bien comme en mal : en bien, parce que la véritable population ouvrière n’a pris aucune part à l’émeute, et que le petit nombre des factieux a été de plus en plus visible ; en mal, parce qu’il est impossible de nier qu’il n’y ait en France et à Paris un certain nombre d’hommes incorrigibles, qui seront des factieux tant qu’ils ne seront pas nos maîtres. Ces hommes sont ceux du 15 mai et du 24 juin 1848 ; ils ont été pris en flagrant délit de guerre civile ; ils ont été transportés à Brest. L’amnistie les a ramenés à Paris. Sont-ils changés ? le pardon qu’ils ont reçu a-t-il touché leur cœur ? Pas le moins du monde. Depuis le jour où, au Luxembourg, une parole fatale leur a été dite : Vous serez tous rois ! depuis ce jour-là, nous sommes tous des sujets révoltés, et tant qu’ils ne régneront pas, ils se croiront dépouillés et détrônés, Ce sont des prétendans, et, pour reprendre leur affreuse couronne, ces prétendans se croient tout permis, l’insulte, la violence, l’assassinat. Voyez comment ils ont traité le général de Lamoricière ! S’il y a des noms qui soient populaires dans l’armée et dans le pays, ce sont ceux de nos généraux d’Afrique. Le général Lamoricière est un de ces noms ; de plus, il est d’une réaction modérée : on dit même qu’il se pique d’une tendresse particulière pour la constitution de 1848, et non pas seulement d’une résignation intelligence, ce qui est le sentiment du plus grand nombre. Cependant ni ses services, ni sa prédilection pour la constitution de 1848, n’ont sauvé le général Lamoricière de la violence des bandes de juin. Il y a en effet, il faut bien se le répéter, un peuple de juin qui a juré la perte de la grande société française. Entre ces deux sociétés, la paix et la réconciliation sont impossibles, et c’est en vain que la grande société française cherche sans cesse à ouvrir son sein à cette petite et méchante société qui n’y rentre que pour la déchirer.

L’émeute des arbres de la liberté a produit une vive impression sur l’assemblée législative. Elle a été un nouvel avertissement de l’état des esprits ; elle a augmenté le penchant, chaque jour plus visible, dans les diverses nuances de la majorité à se rapprocher et à maintenir leur union. Ce qui nous plaît dans ce penchant, c’est qu’il devient une habitude et une conviction. Ce n’est pas la