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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/758

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nécessité qui le crée, ce n’est pas non plus une sorte d’enthousiasme passager. On apprend à se supporter mutuellement, à avoir pour les défauts les uns des autres une patience intelligente ; on passe enfin de l’amour au ménage. Cela nous rassure et nous fait croire à la durée de l’union du grand parti modéré

Cet esprit d’union s’est surtout montré dans deux lois discutées pendant cette quinzaine dans l’assemblée : l’une, est la loi sur l’enseignement, où tout le monde parle de s’unir et de se rapprocher ; l’autre est la loi sur le séquestre des biens de la famille d’Orléans, où, sans que personne ait pris soin de dire qu’il fallait rester uni, tout le monde cependant s’est entendu. Nous devons excepter M. Huguenin et M. de Larochejaquelein

M. Huguenin est un montagnard, et si, à ce titre, il déteste les rois, s’il les poursuit de sa haine jusque dans l’exil, s’il leur reproche leurs richesses, s’il croit à toutes les calomnies répandues à ce sujet, s’il les répète, s’il les tire du discrédit où elles sont ensevelies, M. Huguenin, après tout, est à son aise pour dire et faire tout cela : c’est un montagnard, mais pourquoi M. de Larochejaquelein, dans une discussion de ce genre, vient-il raviver de tristes souvenirs ? Pourquoi semble-t-il céder encore à de vieilles rancunes ? M. de Larochejaquelein est un de ceux qui ont parlé le 24 février 1848 ; tous ceux qui, ce jour-là, ont parlé doivent s’en souvenir, pour se taire dans toutes les questions qui touchent à la dynastie qui est tombée le 24, février, non pas au profit d’une autre dynastie, mais au profit de l’anarchie.

Il y a un mot qui a joué un grand rôle dans le discours de M. Huguenin contre les biens de la famille d’Orléans, c’est celui des coupes sombres. Le mot n’appartient pas à M. Huguenin ; il date d’avant 1848. On disait alors beaucoup que la liste civile épuisait les forêts de la couronne en les exploitant selon la méthode allemande, au lieu de les exploiter par coupes réglées à la manière française. Un jour même, à la tribune de la chambre des pairs, il nous en souvient, M. le marquis de Boissy estimait les coupes sombres faites par la liste civile à 75 millions : Aujourd’hui, le chiffre a baissé : il n’est plus que de 25 millions. C’est 25 millions que M. Huguenin demande au domaine privé pour dédommagement des coupes qu’il a faites dans les bois de la liste, civile. En 1847, M. de Montalivet, à la chambre des pairs, montrait à M. de Boissy le vide et la calomnie de ce chiffre de 75 millions. Nous verrions avec plaisir le gouvernement entrer dans l’examen de cette créance de 25 millions, et percer enfin, ce grand mystère d’erreurs ou de calomnie. Si l’état a des droits, qu’il les fasse valoir : rien de plus juste ; mais s’il n’en a pas, que la calomnie se taise. Nous nous souvenons à ce propos qu’avant 1848, c’était surtout la forêt de Villers-Coterets qui, disait-on, avait été dévastée. Or, voici comment la forêt de Villers-Coterets avait été dévastée. Cette forêt, au moment où l’administration de la liste, civile en a pris possession, avait 1 900 hectares de futaie pleine au-dessus de cent ans. « D’après l’aménagement ancien, disait M. de Montalivet à M. de Boissy, j’avais le droit, non pas le devoir, mais le droit de prendre 75 hectares par an c’est un peu plus de 1 000 hectares que j’aurais pu donner l’ordre d’exploiter depuis quinze ans. Eh bien ! il a disparu 295 hectares de futaie seulement, et ils sont aujourd’hui réensemencés naturellement, au moyen du systèmes des éclaircies. Dans cette forêt, je le répète, il reste à l’heure qu’il est, 1 600 hectares de futaie pleine, quand il pourrait n’en plus exister que 900 environ. »