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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/953

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de la protection eût rien à faire dans le débit, qu’il ne voulait supposer à M. Disraëli aucune arrière-pensée, et qu’au besoin il n’hésiterait pas à séparer la motion de son auteur. L’agriculture souffre profondément par suite des dernières mesures législatives, elle a raison de demander que les premières ressources du trésor soient appliquées au soulagement de sa détresse ; la motion de M. Disraëli est donc fondée en droit et en justice, et on doit la voter pour imposer au gouvernement l’obligation de s’occuper des classes agricoles.

Ce discours a produit un effet décisif. Ni sir Robert Peel, ni M. Bright, ni lord John Russell n’ont réussi à détruire l’impression qu’il avait laissée. Non seulement tous ceux des tories qui, avec lord Drumlanrig, avaient voté pour le ministère dans la discussion de l’adresse, sont revenus au bercail ; mais les plus actifs et les plus intelligens des amis de sir Robert Peel, lord Mahon, M. Charteris, M. Monsell, sir Frédéric Thesiger, ont suivi M. Gladstone dans sa défection. M. Sydney Herbert était malade, mais on assure qu’il aurait tenté la même conduite que M. Gladstone, et cependant il est du nombre de ceux des amis de sir Robert Peel auxquels des portefeuilles avaient été offerts par lord John Russell. Enfin les listes du vote constatent que seize députés libéraux ont cette fois fait cause commune avec les tories. Les députés anglais et irlandais se sont trouvés partagés par moitié, et les vingt et une voix qui composent la majorité ministérielle sont exclusivement celles des députés écossais, qui sont désintéressés dans la question. Aussi la presse tory répète sans cesse que, battus numériquement, les protectionistes ont eu moralement la victoire, et elle annonce la prochaine dissolution du ministère.

Il est certain que ce premier avantage a enflé le courage des tories ; lord Stanley a pris, dans la chambre des lords, une attitude plus hostile, et il vient de faire échouer un bill présenté par le gouvernement pour réformer l’administration et la répartition des revenus ecclésiastiques. Nous avons peine néanmoins à croire que la chute du ministère whig soit prochaine il est seulement possible que, pour s’assurer l’appui et le concours assidu de ceux des amis de sir Robert Peel qui n’ont pas encore passé, aux tories, il ouvre ses rangs à sir James Graham, qui, après quinze ans d’absence, rentrerait ainsi dans le parti whig. Tout dépend du reste du débat qui va prochainement s’engager sur l’affaire de Grèce. Le Times a pris une attitude décidément hostile à lord Palmerston, et celui-ci, par un contraste bizarre, attaqué par les journaux ministériels, a pour défenseurs l’organe des radicaux, le Daily-News, et l’organe des ultra-tories, le Morning-post. Ce qui rend l’issue du débat douteuse, c’est que les deux ministres du nom de Grey, adversaires habituels de lord Palmerston, sont cette fois d’accord avec lui. La question des réclamations adressées à la Grèce a été soulevée en effet et engagée par le gouverneur actuel des îles Ioniennes, sir Henry Ward, parent et ami du comte Grey et de sir George Grey. Ceux-ci ne peuvent donc exiger le sacrifice de lord Palmerston sans abandonner en même temps leur parent. L’avenir nous dira s’ils sont capables d’immoler les affections de famille aux rivalités et aux exigences de la politique.

En Espagne, la confirmation officielle de la grossesse d’Isabelle II est venue faire diversion à tous les incidens ordinaires de la politique. Cet événement, en effet, coupe court à la dernière chance de guerre civile. M. le duc de Montpensier