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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/352

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Fontaine, s’il est ridicule d’en charger la mémoire des enfans, puisqu’ils ne peuvent les comprendre. Il est hors de doute que tout esprit ; bien fait, dans la chaumière et l’atelier comme dans les châteaux et les académies, les admire et les aime.

La bévue commise par M. de Lamartine à propos de l’Espagne est, je crois, plus étrange et plus inattendue que toutes celles que j’ai signalées jusqu’ici. L’auteur de Geneviève enveloppe dans le même dédain, toujours au nom de son idéal populaire, (servantes, Lope et Calderon. Il voit dans l’Alcade de Zalamea, dans la Dévotion à la Croix, comme dans don Quichotte, la parodie de la chevalerie. Je ne m’arrête pas à relever tout ce qu’il y a d’exclusif et d’étroit dans le jugement porté sur Cervantes par Montesquieu, et répété depuis un siècle comme un arrêt sans appel. Je me contente de demander comment Calderon, le plus chevaleresque des poètes, peut être accusé de parodier la chevalerie ; ou M. de Lamartine n’a jamais lu une page de Calderon, ou les pages qu’il a lues n’ont laissé aucune trace dans sa mémoire. Ai-je besoin d’ajouter que Cervantes, Lope et Calderon sont populaires au-delà des Pyrénées dans la plus large acception du mot, et méritent leur popularité ?

Non content de passer en revue les principales littératures de l’Europe ancienne et moderne, comme s’il voulait seulement prouver à quel point il les ignore, M. de Lamartine ajoute à cette étrange déclamation, qui ne repose sur aucun fait, un nouveau traité sur la manière d’écrire l’histoire. À quoi bon ce traité en tête de Geneviève ? Le devine qui pourra : quant à moi, je me déclare incapable de résoudre cette question. Comme Geneviève est un épisode de la vie privée, je ne devine pas à quel propos M. de Lamartine s’est cru obligé de tracer pour les futurs historiens un programme dont plusieurs parties demeureront sans doute éternellement à l’état de projet.

S’adressant toujours à Mlle Reine, trop bien élevée pour le contredire, après lui avoir successivement proposé plusieurs méthodes nouvelles pour écrire l’histoire, après avoir pris pour point de départ la diversité des races, le sentiment religieux, l’industrie, la liberté, après avoir obtenu de son interlocuteur, ou plutôt de son auditeur unique et patient, la condamnation de toutes ces méthodes comme étroites, exclusives, insuffisantes, il arrive enfin à ce qu’il prend pour l’idéal complet de l’histoire. Et quel est cet idéal ? Il ne faut pas une grande sagacité pour le deviner : le lecteur a déjà sur les lèvres le nom du livre qui doit servir de modèle aux futurs historiens, le type qui doit servir à juger toutes les œuvres destinées à nous retracer le développement moral et politique des nations : c’est l’Histoire des Girondins. S’il est quelquefois utile de ne pas trop douter de soi-même ; s’il est bon, pour persévérer dans l’accomplissement de laa tâche, commencée, de se confier